Dans l'atelier [PV Archibald]

Arthur bafouilla des syllabes incompréhensibles quand Archibald lui demanda d'un air plein d'innocence ce qui lui arrivait. N'avait-il rien vu ? Ou bien au contraire jouait-il à l'ingénu pour mieux l'embarrasser ? Arthur pencha aussitôt pour la seconde solution. Il était loin de se douter que son maître attendait cette réaction de sa part mais il était sûr, en revanche, qu'il était de nature à s'en amuser.

Il posa le rouleau de tissu à contrecoeur, ayant la très désagréable sensation d'être aussi nu qu'un ver et se jurant que s'il y avait une prochaine fois pour la mesure, il mettrait une coque de protection ou tout autre objet de nature à lui éviter de désagréable surprise. Foutu corps d'homme, grogna-t-il dans son for intérieur.

Il s'excusa en grommelant et se remit en position. Cette fois-ci il savait à quoi s'attendre donc pas de souci. Il n'avait qu'à visualiser une limace bien baveuse et cela lui couperait toute envie. Il rejetta très loin de lui l'image de son lit et de la jeune femme inconnue qui l'y attendait. Oui, la limace bien baveuse était sa meilleure amie.

Archi réitéra donc les protocoles précédents. Il s'agenouilla à nouveau près d'Arthur, luttant contre le sourire qui forçait le passage sur ses joues. Sacré petit Arthur, il était dans l'embarras comme Archi l'avait prévu au début de la journée avant que l'atelier ne se change en champ de bataille.

"A la bonne heure." dit il en prenant son mètre et en le faisant claquer en l'étirant d'un coup sec dans ses mains.

Il recommença ses mesures. Il posa le mètre au pied d'Arthur, puis l'étira doucement en le frôlant sur toute la jambe en remontant juuuuusqu'en haut, jusqu'à l'entrejambe. Le crayon frémit comme la flamme d'une bougie soumise au courant d'air, un court instant et il nota le résultat de la mesure. Quel dommage que ça ne puisse pas durer trop longtemps... Encore que pour Arthur, vu le temps qu'Archi avait pris à faire monter le mètre en le frôlant centimètre par centimètre, ça avait du paraître des heeeuuures au pauvre Arthur.
Toujours assez haut sur la cuisse, il fit le tour de celle d'Arthur en posant délicatement les mains sur sa cuisse.

"On y est presque." grommela-t-il en faisant mine de fignoler la prise de mesure.

[ça t'apprendra :B]

[vilaineuh >.<]

Lorsqu'Archibald prit son mètre et se mit à mesurer sa jambe, il lui sembla que l'exercice durait des heures. Il ne s'y connaissait pas du tout en matière de tailleur, de ce fait, il ne pouvait pas se douter qu'Archibald prenait son temps plus que nécessaire et surtout, surtout !, qu'il n'était pas censé l'effleurer... Malgré toute sa bonne volonté pour se fixer sur l'image de la limace gluante, il fut parcouru par un frisson. Il avait eu trop d'émotions en cet après-midi et Archibald l'avait troublé. Sûrement pas de la manière dont le couturier l'aurait souhaité mais le fait d'avoir compris qu'il n'était pas si mauvais que ça et s'être rendu compte qu'il souffrait de sa nature démoniaque l'avait touché au point qu'il en était justement troublé.

Cela ajouté au fait que cela faisait plusieurs semaines qu'il n'avait pas eu de contact... physique avec quelqu'un, le bonhomme était dans tous ses émois du fait de cette main qui, décidément, remontait bien haut et de façon sûrement trop sensuelle vers son intimité. Pourtant, et il en était profondément convaincu, il n'était pas attiré par Archibald. Non, c'était impossible étant donné qu'il n'aimait pas les hommes. C'était juste cette main-là qui le titillait.

C'en devint si insupportable que cette fois-ci Arthur fut contraint de se dégager.

"Je suis désolé mais je ne peux pas !" cria-t-il, rouge de honte.

Il osait à peine regarder Archibald. Le souffle court, il se décida finalement à le regarder bien en face, histoire de se rappeler qu'il avait en face un homme. Cela l'aida à reprendre ses esprits et à se calmer. Prenant son courage à deux mains, il prit le mètre de celles d'Archibald et annonça, s'efforçant de surmonter son embarras :"Je vais le faire moi-même, vous n'avez qu'à me guider." grommela-t-il.

Archi fut si surpris qu'il aurait lâché le mètre si Arthur ne lui avait pas de toute façon arraché des mains.
Il ne put retenir un sourire alors que le crayon achevait de noter tous les résultats.

"Tu peux le lâcher, j'avais tout juste fini. J'espère que ça ne m'a pas faussé mes résultats." dit-il avec un faux air contrit.

Il alla prendre son calepin et tourna les deux pages pour vérifier qu'il n'avait pas noté d'absurdité. Tout y était. Au pire, il faudrait tout reprendre quand Arthur aurait les vêtements cousus sur lui mais ça... Valait mieux pas lui dire pour le moment. Il aurait le temps de voir ça euh... En temps voulu, comme on aurait dit.

"Tu peux ranger le mètre là bas si tu veux bien - il lui montra les rangements muraux qu'il avait aménagé au fond de l'atelier - et éventuellement aller chercher le café en bas et deux tasse, s'il te plaît." conclut-il le nez dans son calepin.

Il feignait bien sûr l'absorption totale par ses travaux pour "oublier" de préciser à Arthur qu'il pouvait se rhabiller si bon lui semblait... Parce qu'il n'était que trop persuadé qu'effectivement lui semblerait bon de ne pas déambuler en caleçon.

Arthur piqua un nouveau fard quand Archibald lui dit qu'il espérait que "ça" n'avait pas faussé ses résultats. Il préféra ne pas demander de précision sur ce qu'il entendait par là, à savoir s'il désignait sa petite réaction ou bien son bond de deux mètres en arrière. Il rembobina le mètre et alla le poser où il lui indiquait, tremblant d'embarras. Il vit la proposition d'Archibald d'aller chercher le café comme la plus salvatrice des idées de la journée. Se retrouver seul, ne serait-ce que quelques minutes lui permettrait sans nul doute de le remettre d'aplomb.

"Très bien, j'y vais de suite." répondit-il en se dirigeant vers ses affaires.

Il les enfila en un clin d'oeil, sans se tromper cette fois-ci et se dirigea vers la porte de l'atelier. Il dévala les marches quatre à quatre et se rendit aussitôt auprès de la cafetière. Là, il s'arrêta et soupira comme jamais il n'avait soupiré. Passant une main sur son visage et dans ses cheveux, il pensa qu'il avait vraiment besoin de se changer les idées. Il aurait tout donné pour aller boire à en perdre la raison dans le plus miteux boui-boui du coin et s'endormir rond comme un coin dans les bras d'une déesse à la poitrine opulente.

Après toutes les émotions de la journée, c'était le minimum qu'il aurait voulu. Au lieu de cela, il allait devoir passer sa soirée dans le raffiné appartement d'Archibald qui sentait bon les fleurs printanières et se blottirait contre une couette rendue douce et parfumée par l'adoucissant que son démon de maître utilisait.

*Pauvre de moi...* pensa-t-il en prenant les tasses et la cafetière.

Il retourna à l'atelier ainsi chargé et déposa tout sur le coin d'une table non jonchée de croquis car il savait qu'Archibald craignait pour ses dessins. Toujours plongé dans ses réflexions, il versa du café dans les tasses et s'assit sur un tabouret.

Arthur sortit non sans se rhabiller, et à peine eut-il disparu au coin de l'escalier qu'Archi referma son calepin avec un "CLAP" sonore. Pour lui aussi la journée avait été longue, et il n'aurait peut-être pas été contre le fait de se retrouver seul. La question était néanmoins: s'il laissait sortir Arthur, est ce que ce petit cloporte reviendrait?
Après les démonstrations de l'un et de l'autre, rien n'était moins sûr.

Quitte à se défaire d'Arthur, autant récupérer l'argent qu'il avait mis dans le commerce. Dame, c'était une somme. Comme quoi, acheter n'importe quoi sur un coup de tête, surtout un être vivant, et à ce prix, c'était pas une bonne idée.
Tout à ses réflexions, il n'entendit pas Arthur revenir. Il ne se rendit pas non plus compte du temps qu'avait mit ce dernier à remplir une thermos et sortir deux tasses, ce qui aurait pu lui donner un indice quant à la conduite à suivre ensuite.
Ce n'est que quand il entendit le "pouf" des fesses d'Arthur sur le tabouret.

Les yeux dans le vague, sans voir ce qu'il y avait devant lui, il s'installa machinalement devant les tasses de café, et en saisit une en faisant signe à Arthur qu'il pouvait boire lui aussi, sans l'attendre.
Il regarda le fumet qui dépassait de la tasse, espérant y voir un signe quant à la conduite à tenir, sans mot dire. Il ne savait plus très bien où il en était. Où ils en étaient tous les deux, en fait.

Arthur jeta un coup d'oeil à Archibald qui le rejoignait. Son maître avait tout autant l'air perdu dans ses pensées que lui. Il l'observa s'asseoir et prendre la tasse de café. Arthur fit de même et respira machinalement son arôme. L'odeur du café fraîchement fait dissipa le brouillard qui semblait être apparu dans son esprit et il porta la tasse à ses lèvres. Le goût du café était réellement excellent et il haussa les sourcils.

"Il est vraiment bon ce café." remarqua-t-il en avalant une autre gorgée.

Il attendit la réaction d'Archibald avant de continuer à boire sans mot dire. L'effet premier du café n'était pas assez fort et assez long pour lui faire tout oublier. Il reposa sa tasse vide sur le plateau et s'éclaircit la voix.

"J'aimerais sortir ce soir." déclara-t-il à brûle pour point.

Les mots étaient sortis plus vite qu'il ne l'aurait cru. En fait, il y songeait tellement fort que la phrase avait fini par sortir d'elle-même. Néanmoins conscient de la nature de sa requête et de ce que cela impliquait, surtout après ce qui venait de se passer, il se racla une nouvelle fois la gorge.

"Je veux dire... D'une manière qui puisse vous convenir, hum. Je n'ai pas l'intention d'en profiter pour m'enfuir." ajouta-t-il.

Ce n'était pas la peine de jouer à l'innocent avec Archibald. De toute manière, il était sincère. Même si partir d'ici était toujours un de ses objectifs, ce n'était pas ce soir qu'il partirait. Non, ce soir il avait vraiment besoin de se détendre et ce n'était certainement pas en s'aventurant au-dehors de Meridell avec un démon à ses trousses qu'il y parviendrait.

Archi qui buvait son café ne peut qu'acquiescer à la remarque d'Arthur. Ce café était vraiment excellent, il n'y avait pas à dire. Le torréfacteur du coin avait de la bonne camelote, il fallait penser à lui en toucher deux mots un de ces jours.
Quand soudain Arthur sauta du coq à l'âne. Avait-il lu les pensées d'Archi?

Fallait-il lui faire confiance? Peut-être que s'il lui faisait confiance, il reviendrait, touché par le geste du démon, par la marque de confiance du maître envers le soumis. Ou peut-être en profiterait-il?
Il avait suffisamment eu Arthur sous les yeux pour penser que non, il ne s'enfuirait pas, il n'en profiterait pas. Ce petit crétin était plus du genre à attaquer pour gagner sa liberté, que de se faufiler entre les mailles du filet pour fausser compagnie à son maître.

"Fais comme tu veux." dit-il d'un ton neutre, sans quitter les volutes de vapeur de son café des yeux.

"Va où bon te semble, et tache de rentrer avant le matin." dit-il en posant sa tasse et en retournant vers son calepin.

Il regarda son téléphone comme si ce dernier l'avait appelé.
Appeler Jack Koupl et lui proposer un marché? Ou attendre qu'Arthur rentre... Ou non? De toute façon il lui avait donné l'autorisation. Plus qu'à voir comment évoluaient les choses.

Arthur fut pour le moins surpris de voir Archibald accepter aussi rapidement qu'il sorte le soir même. Bien évidemment, sa surprise fut très vite remplacée par le soulagement mais également par de l'empressement.

"Oui, oui, bien sûr !" répondit-il aussitôt.

Ce n'est qu'ensuite qu'il réalisa que son maître venait de lui donner une preuve de confiance. Après tout ce qui s'était passé, il n'avait même pas hésité pour lui donner la permission de sortir. Quelque part et même si cela lui était difficile de l'admettre, il était touché par ce témoignage.

Il finit sa tasse de café, l'air pensif. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il irait car il n'était jamais sorti le soir à Meridell lorsqu'il vivait chez son premier maître. Néanmoins, ce n'était pas ça le plus important. Le plus important était qu'il allait pouvoir déambuler où bon lui semblait et oublier pendant le temps d'une soirée sa condition. Posant sa tasse vide sur le plateau, il releva ses yeux dorés sur Archibald et l'observa un moment.

"Merci." finit-il par dire.

Il eut un petit sourire mais il était sincère. Il sauta à bas de son tabouret et ajouta :"Je vais aller prendre une douche si vous n'avez plus besoin de moi."

Archu qui fixait un point loin derrière Arthur (tellement loin qu'il n'aurait su dire où exactement) lui répondit d'un ton las:

"Va."

Il dut faire un effort surhumain pour pouvoir détacher ses yeux de ce point décidément difficile à définir, et prit son calepin. Il regarda les mensurations notées, et eut une grimace en pensant à ce qu'il avait fallu faire pour les avoir, ce qui avait découlé de la première tentative... Quelle après-midi !
Et ce petit crétin qui préférait s'en aller loin de son maître plutôt que de réagir positivement à ses euh... Gestes attentionnés... Bon ça pouvait être dur d'être positif quand on avait manqué de subir les derniers outrages de la part de son maître adoré... De son maître, mais bon.

En règle générale, Archi faisait beaucoup plus d'efforts pour Arthur que dans le sens inverse.
Et ce petit crétin ne s'en rendait même pas compte.
Malgré les petites idioties avec le mètre, qui lui avaient procuré un léger amusement, finalement, cet après midi était des plus déprimants.

[pauvre Archi ;.;]

Arthur hocha de la tête avant de se diriger vers la porte de l'atelier. Quand il descendit les escaliers, il perdit l'ombre du sourire qui étirait ses lèvres quelques instants auparavant. Il s'arrêta au milieu des marches et se retourna pour regarder la porte de l'atelier comme s'il avait pu y voir au travers afin de voir Archibald. Aurait-il eu une once de remords à laisser Archibald seul après ce qui venait de se passer ?

L'humain se tâta quelques secondes mais il finit par tourner les talons et continua son chemin. Non, vu la nature d'Archibald, il se remettrait vite de ce qui s'était passé. A tous les coups, il était déjà en train de chanter, voire de danser, au travers de l'atelier en contant fleurette à ses ciseaux et en s'émerveillant de son génie créateur. Pas la peine de s'en faire pour le démon.

Non, vraiment pas la peine, se répéta-t-il pour se convaincre en gagnant l'appartement d'Archibald. Pourquoi de toute manière se serait-il inquiété pour un démon ?

Il prit la direction de la salle de bains et alla prendre une douche en perspective de sortir de suite après.

[topic fini si tu n'as rien à ajouter ]