Une invitée pour le repas [PV les Oyadas et les occupants du domaine]

Ishina était désœuvrée, une fois de plus, elle se promenait seule depuis un bon moment lorsque l’invitation du bel ange qu’elle avait croisé dans le parc lui revint, un certain Roméo Oyada. Un cuisinier qui avait invité Ishina durant une rencontre fortuite dans le parc, une rencontre faite lors d’une autre journée de promenades… Et quelle journée! Ishina avait d’abord rencontrée une hybride et son papillon. Comment les oublier? Impossible, le papillon maladroit et sa compagne hybride. C’est alors que Roméo avait fait son entrée. Il avait un verbe excellent et Ishina ne résista pas à l’invitation. Elle repassa chez elle pour se changer et alla au domaine, entrant sur celui-ci et se dirigeant vers le second bâtiment. Elle frappa à la porte et attendit tout en se faisant une réflexion à voix haute…

- Si sa cuisine est seulement à moitié aussi bonne que son verbe, le repas sera déjà excellent et la compagnie sera agréable de toute façon…

Ishina doutait qu’on eut pu entendre sa réflexion…

-Et si comme je le pense vos coups de fourchette n'ont rien à envier à ceux de votre langue vous me comblerez de satisfaction.

Roméo sortit du couvert du grand Kétia qui le protégeait des regards indiscrets tout en lui permettant de rêvasser en suivant la course des nuages. Une main sur la tête de chambranle de la fenêtre ouverte qui jouxtait l'entrée, l'autre sur celui du côté gauche, il inclina poliment le haut de son corps d'autant que sa position le lui permettait puis le redressa pour offrir un sourire amusé et un regard pétillant.

-Le bonjour, dame Oni. Serait-ce l'odeur alléchante de mes préparations culinaires qui ont guidé vos pas jusqu'ici? A moins que ce ne soit autre chose, proposa le cuisinier en perdant sa phrase dans une réflexion exagérément mimée. Vous vous languissiez de moi, n'est-ce pas? Mais chut, gardez la réponse au chaud dans votre ravissante bouche close, de ce pas je m'en vais vous ouvrir.

Le chef cuisinier Oyada fit un clin d'œil à sa visiteuse puis s'éloigna. Avant de sortir de son domaine privé il prit le temps de retirer tablier et torchon jeté sur une épaule qu'il remit soigneusement à leur place, frôlant la maniaquerie dans leur disposition et absence de plis. La main sur la poignée de la porte qui donnait sur le couloir, il usa de sa capacité à contrôler le vent pour faire venir jusqu'à sa paume un petit pain encore chaud.

Ishina sourit et rougit légèrement à la remarque, on l’avait donc entendue. Elle se reprit et regarda Roméo dans les yeux, avec un regard taquin.

- Et si votre spatule a seulement le quart de l’agilité de la votre, de langue, je suis certaine que vous pouvez cuisiner pour un nombre quasi incalculable de convives.

Ishina entendit la seconde remarque et c’est alors qu’elle perçut les aromes qui sortaient par la fenêtre. Elle se demandait ce qui pouvait cuire sur les fourneaux, mais sa curiosité serait vite comblée, elle en était certaine.

- Par l’odeur alléchée… Hum, non, mais par la compagnie de votre verbe. L’invitation que vous m’aviez faite n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde et puis, qui pourrait résister à si beau parti et si bien élevé?

Ishina n’avait pas su garder la réponse et elle espérait bien ne pas attendre bien longtemps devant la porte. C’est alors qu’une autre présence se fit connaître, une voix qu’Ishina connaissait, le libraire le plus agréable qu’elle eut dépouillée d’un livre.

- Allons, Gabriel, mon ami, je ne vous ai pas oubliée… mais quelle mine affreuse vous avez là! Je sais ce qu’il vous faut, un peu de galante compagnie pour vous remonter, ainsi qu’un bon repas. Je suis certaine que Roméo pourrait fournir les deux, mais le verbiage d’une dame est tout autre.

Ishina s’inclina, puis, elle ne résista pas à embrasser l’ange sur la joue et à lui saisir le bras avant qu’il ne puisse s’éclipser.

- Mais dans ce cas, si il suffit de demander pour que vous restiez, je vais formuler ma demande… J’aimerais votre aide pour vaincre à coups de fourchette, le repas qu’a préparé Roméo…

Ishina orienta Gabriel vers la porte, s’arrêta devant celle-ci, toujours close et se prit d’une envie verbeuse. Parlant pour Roméo qui ne devait plus être bien loin de la porte.

- Ah, Roméo, Roméo, pourquoi es-tu donc Roméo… Et pourquoi n’arrives-tu pas, bel ange au si beau langage…

Ishina regarda Gabriel et voulut préparer une dernière chose, entendant enfin la clef tourner dans ses pennes. Elle se plaça pour donner l’illusion qu’elle embrassait Gabriel avant de se retournée bien vite pour voir Roméo…

- Mes lèvres n’en pouvaient plus d’attendre, désolé, Roméo, bel ange des cuisines…

Ishina avait les yeux qui pétillaient de malice et souriait largement. En utilisant sa télékinésie, elle avait un peu mis de maquillage sur Gabriel pour donner l’illusion de cette étreinte fictive…

Alors qu'il s'éloignait pour ouvrir la porte d'entrée à sa visiteuse surprise et surprenante, les paroles de celle-ci parvinrent à ses oreilles. Roméo sourit pour lui même, amusé de l'incapacité de la jeune femme à se taire. Un attribut de la féminité qu'il ne pouvait nier trouver plaisant chez la démone spirituelle. Sa faconde l'étourdissait plus sûrement qu'une des mixtures de son cadet Kido. Son frère parti en pensée, sa main se crispa sur la poignée. Que devenait-il? Il aurait au moins pu lui donner de ses nouvelles, lui n'avait rien fait de répréhensible. A moins que Kido ne lui reprochât son absence de prise de position. De la part d'un emporté immature c'était fort probable. Les jointures de ses doigts blanchissaient, l'Oyada fit un effort pour se détendre, il avait une invitée. Deux? Cette nouvelle voix ne lui était pas étrangère, il en aurait mis sa spatule au feu qu'il s'agissait de leur nouveau locataire, Gabriel. Panneau de bois toujours clos il laissa un peu de temps et une déclamation narquoise filer comme grains de sable dans le sablier avant d'ouvrir.

Une volute de vent reposa dans la paume de sa main droite le petit pain tiède qu'il avait lâché en voyant une paire de lèvres en presser une autre. S'il ne pouvait en attester, les traces de rouge le faisaient pour lui. Il s'était ressaisi en un rien de temps, la pâte levée et croustillante avait frôlé le sol. Pourquoi être gêné ou fâché? Après tout dame Oni faisait ce qu'elle voulait, aussi belle et fascinante soit-elle, et ils ne s'étaient vus qu'une fois. Troublé, lui? Certes non...Le bibliothécaire n'était qu'un simple locataire, discret, qui faisait régulièrement honneur à sa cuisine et ne manquait pas de charme... Le front de Roméo se plissa et ses traits se firent brièvement plus durs. Rapidement un visage avenant reprit place.

-Je tardais à venir car je ne voulais vous accueillir les mains vides. Vous m'excuserez de l'absence de fleur, je n'avais que ceci à disposition, ajouta-il en tendant le petit pain comme s'il s'agissait d'une rose, délicatement tenu par un angle bas entre deux doigts. Il devait contribuer à l'occupation de votre bouche, mais je constate que vous avez effectivement trouvé de quoi la distraire, dit-il avec une pointe d'amertume et un regard de biais sur l'objet de l'occupation. Bonjour Gabriel.

Le cuisinier salua poliment son second visiteur et invita les deux à entrer après s'être écarté de l'encadrement de la porte. Il fit en sorte que la dame pénètre en premier dans le couloir pour se placer derrière Gabriel et le retenir par un bras.

-Attention petit rat de bibliothèque, nous avons affaire à un chat qui ne manquera pas de ne faire qu'une bouchée des pauvres rongeurs d'ennui que nous sommes. Vous tombez bien cependant, vous me serez d'un grand soutien face à l'incontinence verbale de nôtre amie. La démone est facétieuse, enchérit-il sur le ton de la confidence.

Amusé de sa description murmurée, Roméo tapota l'épaule de Gabriel puis le pressa d'avancer pour qu'ils rejoignent prestement la jeune femme. D'un mouvement du bras il indiqua le salon et s'excusa avec un pas de côté.

-Gabriel, je vous laisse servir la boisson de son choix à madame, je vais me changer et mettre le couvert pour trois. J'ai de quoi nourrir un bataillon, nul ne repartira sans avoir l'estomac plein, annonça-t-il d'un air enjoué avant de se diriger vers sa chambre.

Les joutes verbales entre les deux personnes continuaient jusqu'aux paroles de Gabriel. Et la démone se tourna vers moi pour parler. C'était la seule cliente à avoir eu la chance de le déposséder d'un livre rare. Elle lui trouva un teint affreux et déclara connaitre les remèdes. Un dîner et de la compagnie. Gabriel ne se sentait pas la force de tenir longtemps compagnie à moins que le propriétaire des lieux lui cède gentillement son lit à un moment ou un autre. Et la charmante dame était prête à l'aider à retrouver une bonne mine. Un baiser fut déposer sur sa joue. Gabriel se laissa tiré vers la porte de la demeure. Un rire vint à l'ange en entendant la démone parler.

"- Il vous faudra faire attention à ce que je ne subtilise pas votre part."

Puis la démone reprit son discours avec un ange caché derrière une porte avant de se tourner vers lui. Gabriel ne comprit pas de suite ce qui se passait. Mais voyant que la démone avait gentillement disposer de son maquillage sur son visage Gabriel fut dans l'incapacité de bouger. Il hésitait entre l'horreur de ce qu'elle venait de faire et l'envie de rire subite face à la réaction de Roméo et la frustration de voir Roméo si mal réagir. Mais la démone avait jouer un jeu trop parfait pour que l'ange ne puisse se douter de la plaisanterie. Les traits de Gabriel se vidèrent un moment d'émotions. Apparement Roméo allait lui en vouloir.

"- Bonjour Roméo."

Il se força à entrer dans l'antre du cuisinier avec l'impression de gênait un peu ce repas avec cette blague. Roméo le retint par le bras avant de parler. Mais avant de se presser à rejoindre la démone Gabriel regarda Roméo.

"- Ne vous inquiétez pas. Entre votre belle et moi-même rien ne se drame. Je ne lui ai que vendu un livre et rien ne se passera entre cette démone et moi-même."

Il quitta plus vite Roméo qui lui donna le rôle d'hôte. Ce dernier parti Gabriel enleva le maquillage ayant retrouver toutes ses facultés.

"- Que voulez-vous déguster Dame Ishina ?"

Ishina sourit à la réponse que Gabriel avait donné quasi du tac au tac, il allait déjà un peu mieux et un peu de couleur venait orner son visage. Il avait l’air si fatiguée. Ishina connaissait bien un petit truc pour remettre en état Gabriel temporairement, mais il en sentirait le contre coup le lendemain. Elle ne s’y risqua donc pas.

- Vous oseriez prendre le pain hors de ma bouche! J’aimerais voir ça, et surtout, comment…

Ishina sourit à Gabriel. Elle avait sous entendu des intentions que l’ange n’avait pas. Elle lui fit un clin d’œil pour le rassurer sur ce qu’elle pensait. C’est a ce moment là que la porte s’ouvrit.

Ishina fut surprise du peu d’effet de son vilain tour, enfin, elle espérait un éclat de rire ou un bon mot, mais il n’en était rien, Gabriel était gêné et Roméo semblait bouder un peu le plaisir qu’elle avait pris pour faire cette mise en scène… Roméo jeta même un regard un peu vilain à Gabriel. Elle se saisit toute fois du petit pain et en profita pour toucher le poignet de Roméo.

- Allons, Roméo, mon bel ange, ne soyez pas mutin, je ne vous ai joué qu’un fort vilain tour comme l’a dit Gabriel. Ne le regardez pas comme ca. Vous savez que je suis ici pour vous. Je ne savais même pas qu’il logeait sur le domaine de votre famille. Et pour ce qui est d’occuper ma bouche, ceci le fera agréablement en attendant la suite.

Pour appuyer ses dires, Ishina projeta les images de ce qu’elle avait fait à ce pauvre Gabriel dans l’esprit de Roméo… Elle lui sourit, tenant toujours le bras de Gabriel. Elle ne résista à gouter au petit pain que Roméo lui avait pris.

- Rongeurs, vous dites, oui, mais ronger mon ennuis n’est-il pas une douce tâche? Ou bien n’ai-je été que trop verbeuse pour vous? Facétieuse, oui, peut-être, mais toujours enjouée à l’idée de repartager votre conversation. Et vous êtes bien trop grands pour que je ne fasse qu’une bouchée de vous deux. Mais avec un peu d’aide…

Elle s’amusait à taquiner les deux hommes. Elle n’avait pas relevée le fait de son incontinence verbale, consciente que c’était une pointe d’humour un peu vitriolée de Roméo pour l’échange de ce faux baiser. Elle lâcha le bras de Gabriel et se retrouva contre Roméo.

- Allez-vous faire beau, nous allons vous attendre en prenant un verre. Je suis certaine que vous serez d’une grande célérité, mais ne confondez pas célérité et précipitation…

Elle posa l’index de sa main droite sur le nez de Roméo pendant qu’elle disait la phrase, et avant de le laisser partir, elle l’embrassa fugitivement.

- Le voilà bien plus rassurer que par vos mots, Gabriel, mon ami. Allons donc prendre une légère libation avant qu’il ne nous revienne.

Ishina se retrouva seule avec Gabriel. Les cuisines et la salle à manger étaient grandes et des mieux équipées. Ishina s’installa à la fenêtre pour profiter de la vue sur le parc. Elle se retourna et vit que Gabriel enlevait le maquillage qu’elle avait apposé sur le visage de l’ange.

- J’espère que ce petit tour ne vous a pas trop mis en mauvaise position, je voulais taquiner Roméo. Toutes mes excuses. Mais c’était trop tentant. Et il sait que c’est un mauvais tour, je suis capable de projeter mes souvenirs dans l’esprit des gens et je lui ai montré comment j’avais fait. Et pour ce qui est de choisir un vin pour l’entrée, je vais aller visiter la cave, je reviens vite!

Ishina embrassa Gabriel sur la joue et alla à la cave avec une célérité surprenante pour une démone engoncée dans un kimono. Elle trouva ce qu’elle cherchait, un vin blanc de choix, une bouteille de Château Figeac 1971. Elle remonta aussi vite qu’elle était descendue avec sa trouvaille dans les mains. Elle se fit une joie d’enlever le bouchon avec ses pouvoirs pour ne pas risquer de bouchonner pareil trésor. Et bien lui en prit car le bouchon tomba en morceau une fois sorti du goulot de la bouteille.

- Et bien mon cher Gabriel, voici un vin des meilleurs. Je vous propose donc un verre de jus de treille en attendant le retour du plus charmant des cuisiniers.

Elle servit Gabriel et se servit aussi. Elle leva son verre et fit tourner le vin pour profiter de sa robe avant de le gouter. Elle espérait que Gabriel le trouverait à son goût. Mais aussi que Roméo reviendrait avant d’avoir atteint la lie de la bouteille…

Bouche ouverte sur une explication qui ne viendrait que plus tard, Roméo la referma bien vite pour faire face sur bien des fronts à son invitée, mais avant son visage s'illumina d'un sourire complice et d'un clin d'œil à l'intention de Gabriel pour lui signifier que tout allait bien.

-Dame Oni, vous êtes comme ces petits gâteaux qui contiennent en leur cœur un message, les fortune cookies: surprenante et déstabilisatrice. On se convainc de la frivolité de leur contenu mais cependant on ne peut s'empêcher de les garder en mémoire pour y trouver un sens à la dérobée. Vous êtes une...

Le mot mourut, comprimé par une paire de lèvres bien téméraires. La confusion passée, comme la surprise, le cuisinier prit congé rapidement non sans rire aux éclats dans le couloir qui l'éloignait de ses convives. De dos on pouvait le voir secouer la tête d'amusement et lever une main abaissée en signe de capitulation complaisante.

Une fois dans sa chambre, l'Oyada prit soin de fermer la porte à clef au cas ou rat et chatte chercheraient à le décontenancer encore plus, attitude qu'il doutait pouvoir imputer au sage bibliothécaire. Pour la démone c'était une autre paire de gants de cuisine. Dévêtu en moins d'une minute, vêtements dans le panier à linge sale, Roméo se permit de prendre une douche avant de revêtir des habits propres. Pas de précipitation, lui avait-elle dit, puis Gabriel paraissait capable de la contenir - rapport à l'incontinence verbale-. Il lui fallut un petit moment sous le jet d'eau à quarante degrés pour que son hilarité s'écoule avec la sueur et les traces de farine. Le repas promettait d'être animé.

C'est un ange frais et dispo, vêtu d'une tunique en soie bleu nuit sans manche passée au dessus d'un sous-pull en laine blanc et d'un pantalon en soie épaisse de la même couleur qui fit une entrée discrète dans le salon. Il ajusta son col mao le temps de deviner d'où provenait la bouteille ouverte posée sur la table et prévint de sa présence par un toussotement.

-Ni le Petit ni La Grande Neuve, j'en connais un qui va devoir augmenter les taxes pour combler ce manque.

Roméo tenait la bouteille de vin à hauteur de visage et semblait en examiner le contenu comme le ferait un apothicaire cherchant à connaitre les bienfaits de sa préparation de son seul regard de connaisseur.

-Je lui expliquerai qu'il s'agissait d'un cas de force majeur, il comprendra, précisa Roméo en feignant avec amusement la tragédie.

Si personne ne devait violer l'intimité de sa cuisine, que la cave se vide de ses grands crus était le cadet de ses soucis. Le vin était fait pour être bu après tout. L'ange prit une coupe et la remplit pour trinquer.

- Aux rencontres et à ce repas dont vous me direz des nouvelles! Je trinques également aux belles qui ne sont miennes, appuya-t-il à l'intention de Gabriel pour lui faire comprendre qu'il n'y avait rien entre Ishina et lui, et aux amoureux des livres qui semblent tout droit sortis d'une nouvelle fantastique.

Ishina restait donc avec un bibliothécaire fatigué et qui semblait à bout de force. Elle s’approcha de lui, délaissant l’appuis de fenêtre et le soleil pour lui poser une main sur la joue.

- Je ne suis rien pour vous qu’un ennuis dans une journée bien chargée… Je m’en rends compte. Permettez-moi de vous enlever une partie de votre fatigue, mais il vous faudra manger un morceau et ne pas vous priver, cela va vider les réserves qu’il vous reste, mais votre journée en sera prolongée de quelques heures… Qu’en dites-vous?

Ishina se proposait de prendre le contrôle du corps de Gabriel un instant et monter ses taux hormonaux au-delà de la normale pour pousser son corps a vider ses réserves et à rendre de l’énergie à ce dernier. Elle le sentit faible et ne résista pas à un petit mouvement avant que Roméo ne reparaisse, ce qu’il ne tarderait pas à faire.

- On vous a blâmé par ma faute, alors, permettez…

Elle embrassa le jeune et bel ange, d’un façon langoureuse.

- Ainsi, vous savez ce pourquoi l’on vous a blâmé.

Ishina sembla un pue lointaine l’espace d’un instant. Elle avait toujours une main au contact de la joue de l’ange et la retira en caressant celle-ci, se remettant à la fenêtre. Elle se retourna ensuite, certaine de ce qu’elle allait faire. Elle prit le contrôle du corps de Gabriel l’espace d’un instant, enclencha les mécanismes subtils qui permettraient à ce dernier de ressentir un regain d’énergie pour quelques heures. Elle bloqua en suite la création des hormones qui provoquaient la fatigue, pour qu’il soit mieux avec eux. Elle relâcha ensuite son contrôle, elle n’était pas certaine qu’il se fut rendu compte qu’elle l’avait dominé l’espace d’un bref instant.

- Voilà qui est fait, vous allez vous sentir plus en forme, mais ce n’est que temporaire, et d’ici trois heures, je vous conseille d’être dans votre lit. Si vous n’y êtes pas, vous pourriez tomber de fatigue n’importe où…

Elle finissait de parler qu’un ange facétieux et cuisinier rentrait dans la pièce. Elle vit un voile de contrariété passer sur son visage lorsqu’il vit la bouteille. Elle avait choisi un grand vin et elle le savait, elle n’avait pas su résister…

- Si cela est si gênant, je vous ferais porter celle que j’ai dans ma cave, le même millésime.

Mais Roméo détrompa la démone. Le vin pouvait être bu, il trouverait une excuse pour la disparition de la bouteille. Ishina jeta un œil sur Gabriel, celui-ci semblait toujours un peu amorphe. Roméo porta un toast et elle en rit. Celui de Gabriel lui plaisait bien aussi. Elle ne put que rajouter sa marque à ce toast spécial…

- A la vie, à l’amour, et à la folie qui permet de la vivre… Et j’aimerais particulièrement ajouter ceci, à deux anges qui ne le sont pas qu’en apparence, surtout pour tolérer une démone taquine comme je peux l’être…

Ishina ne retint pas la vague de joie qui émanait d’elle, déversant son sentiment dans les esprits des deux anges. Elle se trouvait bien avec eux. Le repas serait agréable et elle espérait pouvoir jouir souvent de si bonne compagnie…

Enjoué et heureux de la soirée qui s'annonçait détendue et captivante, Roméo lança la partie de facéties en prenant la main droite de Gabriel dans sa main gauche et la gauche d'Ishina dans sa droite. Il porta celle de la démone à ses lèvres pour la baiser et sans la desserrer délivra une salve non sans dissimuler son amusement.

-J'ai oublié de dresser la table dans ma hâte à venir vous rejoindre. Si vous avez trouvé le chemin de la cave, vous ferez de même avec celui du vaisselier, dame Oni. A n'en point douter cristal et porcelaine fine ne pourront échapper à votre dévolu, ironisa-t-il en agrémentant la remarque d'une pirouette pour positionner la dame face au dit meuble.

Invitée lâchée, il entraina le bibliothécaire à sa suite.

-Quant à nous, nous avons des plats à apporter de la cuisine. Voyez un grand honneur accordé dans l'assistance que je vous prête, Vous serez le seul rat...de bibliothèque...à y pénétrer. lança-t-il joyeusement en surveillant du coin de l'œil la pie fureteuse.


Instinctivement Roméo évalua la propreté et la possibilité qu'un cheveux de son aide tombe sur le carrelage de sa cuisine. Devant le visage bizarrement détendu du locataire - que c'était-il passé entre ces deux là en son absence?- il rangea ses principes excessifs au vestiaire. Une infraction de temps à autre à ses règles rigides ne pouvait pas faire de mal. Il se tenaient maintenant devant le sacro saint lieux d'expériences culinaires

Ishina pensa que Roméo était un joli parleur, mais elle aima bien la façon dont il l’a mis au travail. Elle allait se faire un plaisir de dresser la table. Mais elle ne pouvait pas les laisser fuir en cuisine sans faire une remarque…

- C’est donc ainsi que vous voyez les femmes, Bélial me vienne en aide! Pauvre de moi! Allez, esquivez-vous, pour n’en revenir que plus vite… Vous me manquez déjà, tous les deux…

Ishina les laissa ensuite aller prendre ce qu’ils devaient en cuisine. Elle continua à boire paisiblement son vin, installée à la table… Table qui se dressait comme par magie grâce à la télékinésie. Ishina aimait son pouvoir pour ce genre de chose. C’était plus utile dans la vie de tous les jours que pour le combat… Enfin, en combat, c’était aussi un atout non négligeable… Elle ne s’impatientait pas, mais espérait pour Gabriel que Roméo ne trainerait pas en cuisine, sinon, le pauvre Gabriel finirait par sombrer dans le sommeil avec la tête dans une assiette…

-Vous avez les deux beaux anges, il ne manque plus que le char de feu. Pour le salut des lieux contentez vous de la gourmandise ce soir. Celle de l'esprit et celle du ventre, lança un ange de loin, riant sous cape.

Bélial...Roméo entraina rapidement Gabriel dans la cuisine, accompagnant son déplacement d'un bras autour de sa taille pour parer à tout retour de langue de la démone. Les plats attendaient! Bien vite il s'affaira à tout rassembler sur le plan de travail central: marinade de poulet et riz aux épices et petits légumes - Peut-être un peu trop de gingembre et de piment pour ses invités-, suivie de la corbeille de petits pains pour calmer les palais délicats, et enfin...

-Zut! Pas d'entrée! Cela ne se peut! Vite une idée!

Roméo faisait les cent pas devant les placards, doigts d'une main sur son front, l'index le tapotant tandis que son regard suivait le tracé des joints entre les carreaux du carrelage comme pour y trouver l'inspiration. Bingo, loto, pmu! Illumination en levant les yeux sur Gabriel devant qui il se positionna, une main sur chaque épaule comme pour le féliciter de l'avoir inspirer.

-Carottes râpées! Affairez-vous mon ami!

L'ange plaça son apprenti improvisé devant la paillasse, déposa devant lui planche à découper, râpe, kilo de carottes et saladier. A deux cela irait vite. Et ce fut le cas. Le rapport entre l'apiacée orangée et le bibliothécaire? Les carottes étaient reconnues pour donner un bon teint, or Gabriel était aussi blafard que les pages blanches de ses précieux livres. Le tout prêt il confia les pains à son aide et se chargea des deux autres. Quand ils sortirent de la cuisine pour rejoindre Ishina, Roméo créa autour d'eux l'illusion d'un char de feu avec un sourire de connivence.

- Carottes pour l'amabilité et préparation épicée pour réveiller les papilles, dit-il en déposant ses plats devant sa visiteuse. Vos chevaliers servants sont de retour. Je constate que dresser la table fut pour vous un jeu de femme, d'enfant voulais-je dire, vous aurais-je confié le dressage d'un dragon que vous ne vous y seriez mieux pris se moqua-t-il gentiment avant de reculer une chaise pour Gabriel. Si vous voulez bien vous donner la peine petit rat.

Ishina attendait les deux anges un verre à la main lorsqu’elle les vit arriver. Dans un chariot de feu! Fierna n’aurait pas eu pareille vision de son père sur son chariot. Elle sourit en voyant la scène. Elle comprit vite qu’il s’agissait d’une illusion en ne voyant pas la demeure brûler. Mais lequel des deux pouvait bien avoir ce talent? Et au fond, peu importait, c’était une entrée réussie. Ishina se leva et leva son verre pour saluer pareille mise en scène.

- Et bien, messieurs, bravo, quel mise en scène remarquable. Et à en juger par la couleur des flammes et le fumet des plats, ça doit être épicé et pas un peu…

Ishina fit un clin d’œil à Gabriel et proposa deux chaises aux anges qui semblaient se faire une joie de la servir. D’un geste, elle avait fait reculer les chaises en questions. Gabriel semblait vouloir la servir, mais elle avait une autre idée en tête…

- Et bien, l’un a cuisiné, l’autre a aidé à porter, c’est donc à moi de servir, installez-vous, mes anges chéris. Et passons au repas ainsi. Roméo, je vous laisse la présentation des plats dans l’ordre avant de servir, comme il se doit pour un repas de ce standing.

Ishina fit asseoir les deux anges et s’installa entre les deux. Elle n’aurait pu être mieux entourée pour un repas. Elle disposa les plats d’un petit coup de télékinésie, et attendit le signal de Roméo pour servir.

-Gabriel, si vous rêviez vous aussi de vous faire servir par une femme, le moment tant attendu est à nos portes, déclara un ange bien mal avisé à son compère de râpe.

Roméo esquissa un sourire et prit place sur la chaise la plus proche de la cuisine afin de ne déranger personne quand il devrait se lever pour apporter le dessert ou le moindre condiment demandé. D'un signe de tête il fit comprendre à Ishina que rien ce soir ne saurait être dit avec méchanceté et qu'il devrait dans l'air planer la légèreté.

Gent dame je vous en prie faites donc. Ceci est l'entrée: carottes râpées avec un filet de jus de citron, quelques feuilles découpées de coriandre et une pincée de curcuma, énonça un Roméo qui pointait un doigt sur le dit plat de couleur orange., et à côté nous avons un met de poulet et de riz dont je tairai la composition. Une surprise pour celui qui saura m'énumérer tous les ingrédients.

Le cuisinier laissa la démone s'affairer et profita que les regards soient rivés sur les assiettes se remplissant pour observer chacun de ses deux convives et déterminer la véritable raison de leur présence. L'une, sous son apparente maîtrise et confiance en elle semblait aussi perdue qu'une fillette dans une forêt obscure; l'autre offrait au premier coup d'œil calme de l'âme et faiblesse du corps. Pourquoi ce repli? Que ne voulait voir le bibliothécaire du monde qui l'entourait? L'un cherchait quelque chose, l'autre fuyait quelque chose. Roméo leva un verre vide quand le service fut fini et tout le monde assi.

-Puis-je profiter de vôtre affairement et de vôtre connaissance du chemin menant à la cave, sans oublier vôtre bon gout dame Oni, pour vous demander une autre bouteille pour accompagner le repas? A vôtre retour j'aimerai entendre de vos bouches à tous deux ce qui vous a mené jusqu'ici.

L'ange s'appuya contre le dossier de son siège, une expression énigmatique sur son visage. A l'aide de sa maîtrise du vent il souleva la serviette de Gabriel pour la poser sur les genoux de ce dernier afin de le faire sortir de sa rêverie naissante.

Ishina s’inclina lorsque son offre de servir fut acceptée. Elle sourit aux deux anges et une fois l’entrée déclamée par Roméo, elle se mit en droit de la servir. Elle fit cela par télékinésie, comme elle avait mis la table. Elle revint juste sur la phrase de Roméo…

- Il n’est pas de bonne compagnie qui se permet de remarque peu glorieuse en pareille compagnie, bel ange…

Une fois l’entrée servie, Ishina se vit confier la tâche de trouver un autre jus de la treille pour accompagner les plats et le reste du repas. Elle prit donc le chemin de la cave pour la seconde fois.

- Soit, je me plie à votre demande, après tout, comment refuser cela alors que je suis ici comme une pique-assiette…

Elle sortit de la pièce et descendit. Elle savait qu’il faudrait trouver un vin rouge agréable et pas trop agressif. Un demi-sec ou un demi-doux. Elle poussa ses investigations et trouva ce qu’elle cherchait. Elle prit une bouteille de château neuf de pape et remonta.

- Voici de quoi accompagner le repas, juste le temps de la déboucher et vous me direz ce que vous en pensez.

Ishina utilisa sa télékinésie une fois encore pour ne pas bouchonner le vin et servit elle-même le liquide si précieux dans les verres…

- Alors, messieurs, votre verdict?

Ishina s’amusa à leur parler comme a des juges qui vont devoir décidés de la vie ou de la mort d’un pauvre malheureux. Et bien sur, elle était huissière… Elle répondit cependant à la requête que Roméo avait formulé avant qu’elle ne parte pour la cave.

- Comme vous mon cher, j’ai oublié ma liste de raison valable dans mon autre kimono… Mais je n’avais pas oubliée l’invitation donnée dans le parc, beau Roméo. Et manquant de bonne compagnie ce soir, j’ai pensé à une excellente compagnie, la votre…

Ishina sourit à Roméo. Mais si on lui avait demandé de choisir l’un des anges, elle serait partie avec les deux. La bonne compagnie semblait partout dans cette pièce à ses yeux…

Le cuisinier s'attendait à voir Ishina les bras chargés de bouteilles, incapable de faire un choix ou de se limiter mais il n'en fut rien: une seule prise. Du rouge? Il aurait plutôt vu du blanc avec la volaille mais les épices pouvaient justifier qu'il en fut autrement. La dame n'avait pas oublié son mordant à la cave, ce qui l'amusa. L'ange facétieux poussa le vice jusqu'à donner un double sens à son appréciation. Il échangea un regard avec Gabriel puis leva son verre pour en admirer les nuances de couleurs.

-Style élégant, dit-il en regardant son invitée par dessus le verre. Robe profonde, sombre, ajouta-t-il sans ciller.

Roméo abaissa sa main de quelques centimètres afin de placer le liquide grenat clair sous ses narines. En connaisseur improvisé il imprima un léger mouvement circulaire au contenu de son verre et huma en fermant les yeux.

- Fruits rouges et épices qui évoluent vers des notes réglissées. Nous pourrions dire féminin, appuya un ange qui ne dissimulait son plaisir à se prêter au jeu.

Voilà une paire de lèvres qui se pose sur le rebord transparent tandis que des paupières s'ouvrent pour faire apparaitre un regard qui déjà se perd dans les formes exquises qui lui sont présentées. Nul doute qu'il ne s'agit pas que de celles du vin.

- Généreuse, souple, en rondeur, une onctuosité de belle longueur...

L'Oyada laissa sa remarque en suspend et reposa le doigt qui de loin avait suivit dans l'air les courbes d'Ishina pour faire un discret coup de coude au bibliothécaire

-Qu'en dites vous? L'hôtesse de cette table semble se liquéfier pour s'inviter dans nôtre palais d'œnologues accomplis. Je puis dire maintenant que je bois vos paroles dame Oni!

Roméo but une gorgée et fit un clin d'œil taquin à la tablée -réduite certes mais tablée tout de même-.

-Second toast, si vous le voulez bien. A l'absence de raison! Puis-je toutefois en savoir un peu plus sur chacun de vous? Gabriel commençons par vous. Si vous deviez être un livre, lequel seriez vous? Et vous dame Oni, si vous étiez un passe-temps, lequel aurait vôtre préférence?

Ishina apprécia le jeu à sa mesure. Elle comprit vite qu’on parlait d’elle. Elle s’attendait à des remarques moins joviales à son encontre. Et ce qui la fit rougir, ce fut que les deux se prirent au jeu. Elle ne s’attendait pas à pareil compliments, surtout un tel déluge de compliments déguisés. Elle se reprit et enchaina.

- Il est bien des liquides et bien des plaisirs de la bouche qui dépasse le vin que vous décrivez. Mais entre les livres et les fourneaux, auriez-vous le temps de les apprécier ?

Ishina leva son verre et avant de répondre à la question, se prit à prolonger le toast par une remarque de son cru, un toast de son cru…

- A l’absence de raison… A la folie qui permet des moments aussi agréables. A vos envies et aux moments partagés…

Ishina but une gorgée, laissant le temps à Gabriel de répondre pour le livre. Ce fut en suite son tour, un passe temps, elle ne pouvait pas dire la lecture, pas avec Gabriel dans la pièce, elle n’était qu’une lectrice amatrice à coté de lui.

- Je serais la musique, rien n’adoucit plus les cœurs et les mœurs. Et je joue du shamisen, si vous voulez tout savoir, cuisinier joli. Mais Gabriel a posé la bonne question, quel plat seriez-vous?

Ishina fit tourné le vin dans son verre et continua de boire à petites gorgées comme elle l’aurait fait dans un dégustation, appréciant tous les arômes de ce grand vin…

Des plaisirs et des liquides de la bouche...le vierge et timide Roméo avala de travers une gorgée de vin. Heureusement il fut sauvé par un rat.Le Rouge et le Noir, il ne l'avait pas lu. Il savait seulement que beaucoup le tenait en référence, et s'était juste acquitté de ce qu'il considérait être son devoir envers la culture: en apprendre le résumé par la bouche d'un de ses convives un soir comme tant d'autres où les langues se délient devant la chaleur d'un bon repas.

-Je souhaite vôtre vie sentimentale et vôtre carrière plus reposantes qu'elles ne le furent pour le jeune Sorel, dit un Roméo soucieux tourné vers le bibliothécaire. Seriez vous un ambitieux torturé, Gabriel? A moins que vous ne rêviez vôtre vie au lieu de la vivre. Ce qui expliquerait vôtre amour des livres.

Le cuisinier cessa de questionner son invité, conscient d'être allé un peu loin. La réserve de Gabriel le mettait mal à l'aise, son comportement dénotait avec l'exubérante Ishina, ce qui le poussait à le faire sortir de son retranchement. Roméo posa une main sur l'épaule du jeune homme en signe d'amendement. D'un sourire bienveillant il le rassura sur ses intentions qui visaient la connaissance de l'autre.
Il accepta de répondre à la question qui venait de lui être posée, comme une condition au pardon. Il attendit cependant que leur sommelière du midi se livre à son tour.

-Du shamisen...Peut-être me ferez vous un jour l'honneur de me faire écouter vôtre musique. Je ne sais si j'y serai sensible, mes oreilles sont habituées aux chants des oiseaux et clapotis de l'eau qui accompagnent mes sorties matinales, ainsi qu'aux bruits de cuisine, livra un ange pensif.

Chacun autour de la table était à sa manière un artiste, un rêveur, pas étonnant qu'il appréciât leur compagnie. La création, quelle fût de l'esprit ou du corps est un phare dans le monde sombre et agité, qu'il soit celui de nos angoisses ou celui que nous foulons aux pieds.
Roméo, qui avait servi tout le monde en entrée, jouait du bout de sa fourchette avec deux brins de carottes, les forçant à se croiser et chevaucher. Il leva soudain le nez, conscient qu'on attendait de lui qu'il se livre à son tour.

- Si j'étais un plat..., laissa-t-il trainer en reposant son couvert et en fixant tour à tour ange et démone. Si j'étais un plat je serais un dessert: des profiteroles. Le moelleux du chou, le froid fondant et onctueux de la glace qu'il renferme, et le délice tiède du chocolat corsé qui recouvre le tout d'un manteau noir. Une douceur simple qui surprend même les palais les plus fins.

Son estomac se mit à gargouiller, il était temps d'entamer le repas.

-Mangez je vous en prie, que nous passions au plat. La liste des ingrédients le composant reste à déterminer.

Ishina faisait tourner le vin dans son verre, vin qu’elle s’était resservi d’un geste. Elle saisit la pique de Roméo et vit Gabriel, l’amoureux de la littérature l’ignorer comme on le fait du dard d’un insecte.

- Allons, messire Roméo, ne soyez pas si piquant, ou tenteriez-vous de l’être plus que votre plat principal?

Ishina avait lancé la phrase au vif, espérant calmer Roméo, pourtant, celui-ci avait bien failli s’étouffer avec son vin lors de la remarque d’Ishina sur les liquides et les plaisirs…

- Je sais que vous réussirez, Gabriel, mon ami. Mais gardez en tête, que même si les textes des livres peuvent sembler vivants, ils ne le sont points et qu’il vous faut voir du monde.

Ishina rougit à l’invitation à faire partager sa musique, elle ne jouait pas si bien que cela. De plus, son répertoire était des plus classiques. Mais elle laissa passer l’invitation mais se prit juste à rajouter un mot.

- Ce sera un plaisir que de répondre à cette invitation, mais je n’inviterai pas grand monde. Probablement personne. Je vous laisse le choix des invités et invitées.

Ishina eut enfin la réponse de Roméo sur ce qu’il serait. Ishina s’amusa alors à taquiner un ange qui avait failli avaler de travers…

- Doux, sucré et qui glisse tel un liquide en bouche… Hum, intéressant…

Ishina esquissa un sourire et un regard intéressé vers Roméo. Elle fit discrètement un clin d’œil à Gabriel pour l’assurer qu’elle s’amusait tout comme eux deux. Chacun allant de sa fantaisie pour s’amuser avec les deux autres. Ishina se pencha en suite sur son assiette et commença a manger avec une avidité nouvelle, voulant découvrir le plat principal qui semblait si mystérieux…