Il n'y a pas de fumée sans Zijn... [libre]

Akegarasu avait encore réussi à se perdre dans les ruelles. Il ne voulait pas s’élever au dessus des bâtiments pour ne pas attirer l’attention, mais ce n’était pas pour faire comme les autres, mais car il savait que les chasseurs étaient encore et toujours à sa recherche… Il avait heurté des poubelles et vit une personne dans l’ombre d’une benne à ordure. Il prit le temps de l’observer et s’approcha.

- Pardon… Croâ… mais je suis perdu, vous pourriez me dire comment rejoindre la place de la cité? … Croâ…

Il observa mieux la personne, elle était couverte de sang et la main sortant de la benne ne laissait pas vraiment penser à grand chose si ce n’est à une créature prédatrice, peut-être un esprit frappeur, un onisu! Il resta cependant sur place, convaincu que tourner le dos serait pire encore…

- Mademoiselle… Croâ…

Elle semblait un peu perdue dans ses pensées ou bien étais-ce l’effet de son repas? Akegarasu ne le savait pas… Elle portait une marque sur un bras, Akegarasu ne savait pas la lire, car masquée partiellement le long du corps de cette personne…

Le silence autour d'elle finissait de rassurer l'hybride alors qu'un bruit affreux de métal qui s'entrechoquait la fit tressaillir et montrer les crocs dans un feulement digne d'un chat sauvage.
L'intrus parlait pourtant, et un instant, surtout au son du "mademoiselle", elle crut qu'il s'adressait à une personne derrière elle, d'ailleurs elle avait rapidement tourné la tête pour vérifier, avant d'observer à nouveau l'étrange oiseau parlant.


-Non...

Question ou réponse ? Son ton n'aidait pas vraiment à le savoir, même si elle répondait en effet à la question première de l'hybride.
Elle se redressa, les mains appuyées a la grande poubelle près d'elle. Sa jupe d'un blanc fâné se releva, découvrant deux pieds nus...A quoi bon porter des "enferme-pieds" inconfortables... même si, la rue n'avait pas été bien tendre pour ses pieds, elle préférait faire saigner sa chair que de réessayer ce que son père nommait chaussures...

-Tu sais où je peux avoir à manger ?

En fait elle aurait bien aimé retrouvé le confort paisible de son cachot, silencieux, frais, sombre et avec de la nourriture régulière. Jamais encore elle n'avait du chasser pour se nourrir, sans compter que les bruits de la ville et son mouvement perpétuel lui faisaient peur. Elle observait l'hybride sans s'approcher, encore méfiante, ses doigts trituraient son chemisier encore taché du sang du chasseur qu'elle avait attaqué.

Akegarasu se demandait toujours ce que faisait cette personne dans cette sombre ruelle. Sa tenue était d’un autre temps, quoi que la sienne ne soit pas plus couleur locale… Et la réponse était évasive. Il se demanda si cette personne était résidente de la ville ou une nouvelle venue comme lui. Tout ce qui était sur, c’est qu’elle était isolée comme lui…

- Je cherche la place pour pouvoir m’orienté… Croâ…

Akegarasu ne connaissait le chemin du domaine qu’à partir de la place. L’autre personne parla de manger, une bonne idée… Tellement bonne qu’elle fit gargouiller son ventre de Kenku! Oui, au domaine, il y avait à manger, sa maîtresse le lui avait promis. Il se demanda qui devait faire les repas, d’autant que sa maîtresse et le chef du domaine étaient tous deux à l’hôpital.

- Je sais ou on peut manger… Croâ… Mais pour y arriver, il faut aller à la place… Croâ… Je ne connais le chemin qu’à partir de là, c’est la mon problème… Croâ…

Akegarasu se demanda si il allait avoir de la compagnie pour chercher cette maudite place. Il l’avait vu du ciel, mais d’était lorsqu’il avait promis de tout faire pour trouver le Shion de sa maîtresse. Il se demanda si les enfants de sa maîtresse étaient beaux, il le saurait assez vite, si il retrouvait le domaine…

- Tu veux m’accompagner pour trouver la place? …Croâ… Tu auras à manger au domaine…

Akegarasu ne s’avançait pas trop, sa maîtresse lui avait dit que les soumis pouvaient entrer dans le domaine et en sortir. Mais étais-ce pour ceux du domaine? Akegarasu ne s’en soucia pas…

Zijn s'était retournée brusquement vers le mur. Il semblait impossible de savoir si elle avait seulement saisi ce dont ils parlaient, ou même si elle s'en souvenait. Figée et muette, elle semblait interroger son ombre ou étudier les briques...
Sans changer de position ou faire mine de s'adresser à son interlocuteur elle parla finalement :

-La lumière a faibli, le danger est moins grand.

Elle fit volte face, s'approcha de l'hybride et agrippa son épaule de ses doigts fins pour se pencher vers son oreille et murmurer, sur le ton de la confidence.

-Avant le prochain cycle de lumière, je dois retrouver les entrailles de la terre.

Sa voix s'était faite éthérée comme si, à la façon des anciens oracles décrits dans les contes, elle évoquait une vision ou quelque étrange et improbable prophétie.
Bien sur, la créature à l'esprit aussi tordu que ses canines étaient acérées n'évoquait que le fait de retrouver un abri avant le jour prochain en l'occurrence les cachots de la demeure paternelle.

Sa faim cependant primait et la proposition de son interlocuteur était certes tombée dans l'oreille d'une folle mais pas dans celle d'une sourde. Elle lâcha son épaule pour le devancer d'un pas décidé, comme si elle savait exactement là où elle allait, ce qui n'était, bien entendu, pas le cas.

-On y va !

Sans vérifier s'il la suivait ou non, Zijn avança d'un pas rapide dans les rues de la cité. Ce faisant, elle parlait, peut-être s'adressant à elle même, peut-être pas...

-Ici il y a trop de couleurs, ça fait mal aux yeux dans la lumière. Je préfère quand c'est noir, les couleurs font moins mal, et puis ils parlent tous en même temps.

Elle manqua de peu de se faire renverser par une voiture qui freina dans un bruit de pneus et de freins assourdissant mais lui passa au travers car elle avait instinctivement pris sa forme brumeuse avant de reprendre consistance. Une fois l'obstacle "évité", elle continua sa tirade, semblant n'avoir rien remarqué.

-En plus leurs bêtes sont dangereuses, d'accord elles marchent vite mais quand même je n'aimerai pas me faire avaler même si c'est pour aller plus vite manger. On ne sait jamais si la bête n'a pas envie de recracher, et bien voilà. Pouf ! On est perdus !

Affirmation sans doute vraie dans l'esprit de Zijn et dans leur situation. Elle s'était arrêtée de marcher devant la grille d'une sorte de square miteux. Autant dire qu'elle les avait menés au milieu de nulle part.

Akegarasu était toujours aux aguets, et la remarque sur la nuit qui approchait ne lui fit que plus prendre consciences de la nature de prédatrice de la créature qui lui faisait face. Il ne bougeait pas d’un pouce, laissant cet espace de sureté entre eux deux.

- La lumière n’est pas une ennemie… Croâ… Enfin, je ne vois pas en quoi elle pourrait l’être…

Il pencha la tête sur le coté, interrogateur. La réplique suivante lui glaça l’échine… sous la terre, dans ses entrailles! Il n’y avait que des choses mortes qui vivaient de la sorte… et quelques espèces troglodytes… Mais l’ombre de la terre signifiait souvent la mort ou les morts, surtout chez les créatures du ciel comme les Kenkus. Il n’eut pas le temps de répondre qu’elle se saisit de sa main qui tenait son wakizashi. Il fut trainer dans les rues, sans savoir où ils allaient. Il n’eut d’autre choix que d’utiliser son pouvoir ou de finir sous une voiture, mais sa compagne de voyage ne le lâcha pas pour la cause, devenant une brume possessive pour son bras. Elle parlait des couleurs, de ce qu’elle lui inspirait, un discourt dissolu pour lui. Il ne comprit que trop tard qu’elle ne savait pas où elle allait. Perdu, comme elle le fit remarqué!

- Tu ne sais pas où tu nous mènes ! Croâ...

Akegarasu était incrédule face à la demoiselle aux dents longues. Elle était vive, mais elle ne semblait pas réfléchir ou alors, pas de la même façon que les autres êtres intelligents. Akegarasu se demandait si il ne devrait pas changer de partenaire, mais cela aurait été un aveu d’échec, les kenkus détestent l’échec. Il se dit qu’il n’utiliserait pas son pouvoir, comme il se l’était promis. Il faudrait donc trouver une autre solution…

- Il faut trouver cette place…Croâ… Tu en sais aussi peu que moi sur cette ville… Croâ… Pourquoi ne pas me l’avoir dit!

Akegarasu était un peu excédé, mais il tentait de contenir son ire. Comment faire maintenant?

- As-tu une idée de notre position? Croâ…

Ce fut la seule phrase qu’il put dire sans crier sur la dame étrange qui l’accompagnait…

Son infortuné compagnon de route paraissait contrarié du fait qu'elle les ait perdus, pourtant, elle en était certaine, lorsqu'il lui avait demandé si elle pouvait lui indiquer son chemin, elle avait clairement répondu que non. L'hybride fronça les sourcils, semblant réfléchir intensément avant de lâcher.

-Je t'avais prévenu.

Il pouvait bien repartir sans elle si ça lui chantait. Zijn était, à cet instant précis, d'humeur bougonne, son nez froncé et sa moue boudeuse en témoignaient.

-Toujours pareil, personne ne m'écoute parce que je suis folle, moi je l'ai écouté, et pourtant il a des plumes.

Elle ronchonnait ces paroles à mi voix mais brutalement, son visage s'éclaira. Ses yeux émerveillés s'étaient posés sur un coin du square qu'elle n'avait pas bien observé jusqu'ici. Son sourire dévoila ses canines acérées tandis que la créature nocturne battait des mains.

-Une balançoire !

Elle fila vers celle-ci mi courant mi sautillant et s'arrêta devant, posant ses mains sur l'assise, passant les doigts sur la corde telle une enfant émerveillée.

-Alors ça existe vraiment...

Une humaine lui avait évoqué ce jeu d'enfant mais Zijn ne l'avait pas vraiment crue. Elle qui grandissait alors au milieu des ombres ne pouvait concevoir que des enfants aiment sortir le jour, encore moins que des endroits soient conçus pour cela.
Avec d'infinies précautions, maladroitement, elle prit place sur la balançoire et attendit...rien ne se passa. Agrippée à la corde elle attendait, en vain que l'attraction fonctionne seule.

-Ben ça marche pas...

Elle se tortilla, cherchant un mécanisme à activer, tant et tant que finalement un léger mouvement mit en branle la balançoire. Surprise elle s'agita d'avantage et finit par réussir à se balancer tout à fait, en poussant un cri de triomphe. Son monde ne se résuma plus qu'à ce balancement durant quelques minutes. Finalement elle cessa et chercha du regard celui qui faisait jusqu'ici route avec elle, lançant avant même de l'apercevoir :

-Bon ben on va où maintenant ?

Akegarasu fut surpris de la réaction de Zijn, avait-il si mal caché son ire? Pourtant, il ne lui semblait pas l’avoir laissé paraître. Mais elle ne lui avait pas laissé le choix. Il avait été saisi par la main et entrainer dans les rues. Il avait même du éviter une voiture en passant au dessus pendant qu’elle devait vaporeuse. L’arrêt sur une place avait été brutal…

- Je sais, mais tu ne m’as pas vraiment laissé le choix… Croâ… Et je ne t’en veux pas, j’étais déjà perdu et à deux, on a plus de chance de trouver un lieu connu… Croâ…

Elle, folle, Il ne le pensait pas… Elle se parlait et alors, il se parlait aussi, de temps en temps, mais de moins en moins depuis qu’il n’était plus prisonnier de la cage des démons qui l’avaient capturé il y a des années.

- Je ne pense pas que tu sois folle… Croâ… Sinon, je le serais aussi, il m’arrive de me parler à moi-même… Croâ…

La réflexion suivante ne fut pas pour lui, mais pour une balançoire. Elle semblait n’en avoir jamais vue. Elle se précipita vers cette dernière. Akegarasu la suivi. Il sauta et s’installa sur la barre transversale de celle-ci, regardant Zijn s’amuser, du dessus. Elle semblait avoir des difficultés à la faire fonctionner, enfin, à se balancer.

- Tâche de coordonner tes mouvements… Croâ… avec un peu de pratique, tu y arriveras… Croâ…

Il la regarda faire. Il apprécia qu’elle y arrive, même si ce fut sans ses conseils. Elle demanda par où il fallait aller. Il regarda les rues et tendit l’oreille… Il entendit un bruit de foule plus important qui semblait venir de la rue qui quittait la place par la droite. Il décida donc que c’était par là qu’il faudrait qu’ils aillent.

- Il y a une foule par là… Croâ… Allons donc de ce coté, au pire nous demanderons notre route… Croâ…

Akegarasu regarda Zijn, ne sachant pas si elle viendrait avec lui ou non… Dans le pire des cas, elle tenterait d’achever sa vie ici, avant qu’il ne trouve la maison où il devait loger… De plus, il ne cherchait pas uniquement la place, le quartier des demeures de la cité ferait aussi bien l’affaire…