Bonjour à la concurrence.

Kerges avait entendu sa maîtresse. Il ne savait pas qui était le démon dont il était question. Sa maîtresse mentionna qu’il tenait une boutique dans la ville. Une boutique de soumis, mais il n’en existait qu’une d’hybrides. Au nom, il se rappela qu’un client en avait parlé dans l’antre, un marchant d’humains. Kerges s’activa donc sur sa toilette pour aller rejoindre sa maîtresse au plus vite pour partir rendre visite à cet autre marchand.

- Soit, si il te plait que nous y allions, Nini. Je vais m’équiper comme il se doit. Je ne pense pas que nous courrions de risque, mais il vaut mieux prévenir que guérir.

Kerges finit sa toilette et passa son équipement de gardien. Il avait promis à la sombre de garder la claire en journée et il ne comptait pas faillir. D’autant qu’il aimait tendrement sa maîtresse. Chacun de ses deux aspects avaient trouvé sa maîtresse. Il prit donc ses épées jumelles, sa lance et son bouclier. Il avait enfilé son armure de cuir dur, avant de passer les baudriers.

- Votre ami devait avoir raison, chez nous, on dit que pour chasser dans la même tribu, il faut s’entendre comme des frères. Et c’est vrai. Il ne faut pas se gêner les uns les autres pour bien chasser.

Kerges ne pensait pas à mal, il est vrai qu’il fallait une bonne coordination entre les membres d’une meute pour la chasse. Mais, son coté tacticien vint lui parler…

Allons, ne dits pas de bêtise, c’est un gêneur, et les gêneurs, ils faut les passer par les armes!
Ne nous emballons pas, attendons de voir ce que veut Nini. Et puis, il pourrait nous fournir des informations pour ton plan avec Dame Fallen
Tu as raison, mais il faudra le surveiller. Tu as eu l’esprit vif sur ce coup là. Je suis sur que ma maîtresse en sera ravie.
J’espère. Je n’aimerais pas que Nini souffre de vos choix.
Je sais. Nous en reparlerons, tu as de la route à faire!

Kerges fut surpris par le rêve de sa maîtresse, se souvenant encore de l’exploration qu’elle avait faite avec de la glace.

- Il y a du rêve et du réel là dedans…

Kerges laissa sa phrase en suspend. Les deux avaient une entente avec Dame Fallen en ce qui concernait l’utilisation de la glace dans des parties intimes. Ils espéraient que cela tiendrait. Sinon, Fallen aurait elle aussi des problèmes dans les parties privées de son anatomie. Kerges suivit sa maîtresse et se laissa faire par celle-ci. Il observait la ville, sentant son autre lui qui notait machinalement le nom des rues et des lieux pour mieux parcourir la ville pour les plans de sa sombre maîtresse. Un fois devant la porte du vendeur du local à humains, il attendit patiemment à coté de sa maîtresse.

Jour de repos, ainsi l'avait-il décidé en se réveillant ce matin. D'autant plus que sa nuit avait été secouée par d'affreux cauchemars, mêlant présent et passé. Une ange tout sourire, de sang et des créatures avec de grandes dents. Son rêve l'avait ramené il y a de cela quelques années, où il avait perdu tout ce qui faisait d'un être un vivant. Le plus étrange était que le visage de son aimée avait été remplacé par celui d'une inconnue. Enfin, d'une semi-inconnue, car il s'agissait du visage de la propriétaire de l'antre aux hybrides. Mais pas le visage souriant qu'il avait vu lors de la réouverture du commerce pour changement de propriétaire, non, c'était ce même visage mais déformé par des traits que bien des démons n'arrivaient à avoir même à leurs heures les plus sadiques.
C'est donc bouleversé que Jack c'était levé de bonne heure, marchant doucement vers sa cuisine ou un thé le requinca.
Le démon s'habilla alors rapidement pour aller nourrir ses pensionnaires. Prendre congé ne voulait pas dire les laisser mourir de faim. Le début de la matinée c'était donc déroulé ainsi, allez jusqu'au localà humains, les nourrir et rentrer chez soi.
Pour se calmer l'esprit, Jack se fit une petite partie de tarot. Mais à peine la première carte était elle tournée que l'on sonna à la porte.

*Voilà une chose bien étrange. Je n'attends personne et je ne vois personne qui voudrait venir sonner à ma porte. Qui donc viendrait ainsi sonner et me déranger la journée, tout en sachant que je suis censé travailler.*

Curieux, mais pas pressé, Jack rangea ses cartes avant de tranquillement se diriger vers l'entrée. Pas de judas ni de vitre à la porte, obligation pour le démon d'ouvrir pour savoir qui se tenait sur le pas de la maison.
Il ouvrit la porte et qu'elle ne fut sa surprise de voir justement celle qui avait fait irruption dans ses cauchemars et accompagnée, qui plus est, d'une créature équipée pour faire la guerre à un bataillon entier.
Heureusement pour lui que ses émotions ne transpiraient pas sur son visage : quoi de plus inconvenant que de se retrouver bouche bée devant la concurrence, aussi gracieuse soit elle.
Aussi, de son sourire standard, salua-t-il poliment la Fallen et son hybride.

"Bien le bonjour dame Fallen, et bonjour euh, à toi aussi"

Forcément, Jack ne pouvait connaître Kerges puisqu'il ne s'était encore jamais aventuré dans l'antre. C'était d'ailleur sur sa liste de choses à faire : visiter la concurrence. Et à priori, il venait de se faire dévancer par l'ange.

"Mais quel impoli je fais, prenez donc la peine d'entrer. Ma demeure n'est pas bien grande, mais je vous en prie, entrez!"

Il s'écarta de l'embrasure et d'un geste du bras invita Nisis à entrer. Toutefois, il craignait que Kerges ne passe la porte. Le Wemic semblait une créature un rien trop imposante. Et surtout, le démon craignait pour son parquet. Lui qui bichonnait son intérieur...

Kerges ne savait pas trop à quoi s'attendre de ce démon, mais sa maîtresse semblait confiante. Comme si les tracas des ventes ne la dérangeait plus une fois le soleil levé. Kerges salua la démon comme il se devait dès qu'il eut parlé. Il salua de la tête, laissant le soin à sa maîtresse de parler. Il écouta les présentations et rajouta un mot de son cru.

- C'est un plaisir de vous rencontrer, maître Koupl. Kerges Mach'tel, je suis surtout l'assistant de dame Fallen à l'antre.

Il ne savait pas comment pensait le démon et trouvait l'ouverture de Nini, un peu trop franche avec un inconnu. Il porta un regard amoureux sur sa maîtresse, mais aussi, protecteur. Elle remarqua vite que les portes n'étaient pas à sa taille dans la maison de Jack Koupl. Il lui était redevable d'avoir noté ce détail. Peu de maisons étaient équipées pour accueillir un wémic. Mais Kerges n'était pas gros, sans son équipement harnaché, il passerait les portes.

- Je suis sur que comme maître Koupl nous accueille chez lui, nous ne risquons rien. En enlevant le harnais qui retient mes armes, je suis sur de pouvoir entrer. Si je puis me permettre de vous demander où les déposer, maître Koupl.

Kerges enleva prestement son harnachement, le gardant que son armure de cuir souple. Il suivit en suite sa maîtresse, comme il le devait, fermant ainsi la marche et protégeant ses arrières.

Le démon n'en revenait toujours pas. Sur le pas de la porte se tenait une de ses concurrentes pour ce qui était la vente d'esclave et elle était tout sourire, apportant avec elle des pâtisseries.
Mais si ce n'était que cela, à côté de Nisis se tenait une créature des plus massives et, qui plus est, avec tout un équipement. Avant même qu'il ne put seulement penser placer un mot, la dame Fallen fit remarquer avec justesse que son Wemic, Kerges Mach'tel comme il s'était présenté, ne pourrait passer l'embrasure de la porte. Lui qui entretenait avec amour son habitation avait quelque peu peur de la manœuvre qui allait consister à faire entre l'hybride dans la maisonnée. Heureusement, il semblerait que les bonnes idées d'ordre pratique ne manquaient pas et une fois le Wemic déshabillé de son équipement il semblait déjà plus aisé de passer la porte.

Les gâteaux dans une main, une partie de l'équipement de l'assistant de la propriétaire de l'antre dans l'autre, il leur montra le salon, déposant les pâtisseries et leur boîte sur la table basse, allant porter l'encombrant harnachement de Kerges dans la chambre inoccupée.

*Diable, qu'ai-je fait pour mériter cela. Cette créature va abimer tout mon intérieur. S'il n'a déjà rayé mon parquet de ses griffes, c'est que je suis vraiment maudit.*

Ayant déposé l'attirail contre le lit, il sortit de la pièce et, tel un félin, alla faire chauffer de l'eau et préparer un mélange de thé.
Hôte peut-être pas exemplaire, Jack n'était dénué d'un certain savoir-faire et, avant même que l'eau ne soit chaude, sucrier, cuillères, tasses, sous-tasses et petites assiettes à dessert étaient apprêtées sur un plateau.
L'eau, frémissante fut ajoutée avant qu'il ne rejoigne Nisis et son hybride-assistant-protecteur.

*J'espère avoir mit suffisamment peu de temps que pour rester un hôte honorable. Il en va de mon honneur personnel. Toutefois, je me demande encore pourquoi dame Fallen s'est ainsi présentée chez moi.*

Les pensées trottant, les jambes marchant, c'est avec le sourire qu'il revint dans son salon, déposant le plateau sur la table basse citée plus haut. Sans demander quoi que ce soit, Nisis et Kerges se retrouvèrent avec une soucoupe portant une tasse de thé entre les mains.

"Veuillez excuser le désordre, je ne m'attendais pas à recevoir aujourd'hui."

Le seul désordre apparent était un livre qui se trouvait au bord de la table.
Ses hôtes le thé en main, Jack s'assit avec sa propre tasse, de façon à pouvoir, d'un regard, observer ses vis-à-vis.

"Mais dites moi dame Fallen, que vous amène-t-il ici? Je ne m'attendais vraiment pas à vous voir. Kerges, fait comme chez toi."

Le démon, bien qu'étant chez lui, se sentait acculé et ne voulait montrer aucun signe de faiblesse, enfin aucun relâchement dans son rôle de maître de maison.

Kerges se sentit mal à l’aise en voyant le pauvre Koupl Jack partir avec son équipement. Il se demanda si le démon s’en sortirait. Nisis semblait à la fois s’amuser et ressentir une certaine gêne. Il pensa que la situation devait lui sembler aussi étrange qu’à lui. Il sentit le contact de la main dans son dos. Il aimait les contacts avec Nisis. Elle avait la peau douce et il émit un léger bruit de contentement. Il écouta ce qu’elle disait et Kerges voulut la rassurer.

- Il ne doit pas avoir l’habitude d’invités qui arrive armés et qu’il doit débarrasser de leurs armes. Je suppose que c’est cela qui le dérange. Ce n’est pas grave. Et pour le dérangement, le but était de faire une visite surprise. Ne t’en fais pas. Il pourra nous rendre la pareille lorsque nous serons installés.

Kerges prit Nisis un instant dans ses bras pour conforter ses paroles et l’embrassa. Il la regarda dans les yeux et lui sourit. Entendant du bruit venant de la cuisine, il se replaça convenablement. Il entendit la remarque du démon sur le désordre et la réponse de sa maîtresse. Il n’avait rien à ajouter à cela. Il prit la parole pour répondre à la seconde question et rassurer le démon sur ce qu’il avait comme confort là où il se trouvait.

- Ma maîtresse a pensé à venir vous rendre visite pour qu’il se développe une bonne entente entre les différents magasins de soumis de la cité. Je sais qu’il se trouve parfois dans nos locaux, des créatures ayant une apparence très humaine. Mais, ce sont des hybrides. Je sais que les clients en parlent parfois et vous deviez vous poser des questions à cet égard. Et ne vous en faites donc pas pour mon confort, je me trouve très bien là où je me trouve.

Kerges adressa un salut de tête respectueux au démon et entreprit de regarder la décoration de la pièce, laissant la parole à Koupl et Nisis. Il restait attentif à ce qui allait se dire, mais il ne savait trop ce que Nisis voulait développer comme conversation. Il préféra donc se taire un instant et voir dans quel direction allait partir la discussion…

Alalala, Jack avait même oublié de faire asseoir ses hôtes. Honte à lui. Et voilà que Nisis s'excusait de venir ainsi à l'improviste. Certes, ce n'était pas ce qui lui plaisait le plus, mais bon, c'était à lui de mettre à l'aise ses invités, peu importe la façon dont ils étaient invités. Il montra donc à Nisis le divan devant lequel elle faisait le pied de grue, s'asseyant également.

"Je suis fort aise Kerges que ma moquette te saille. Dame Fallen, ne vous en faites donc pas, j'étais simplement surpris de vous voir. Il m'est rare de recevoir de la visite, et encore plus de consœur de commerce. Et tout comme vous, le mot soumis ne me plaît guère, mais bon, nous nous devons de vivre de quelque chose et pour cela nous nous devons de nous adapter à notre clientèle."

Il but une gorgée de son thé. Au moins l'avait-il réussit. D'un œil il regardait Nisis, souriant, de l'autre il observait Kerges, lui-même observant et analysant la décoration du salon.

"Mais votre boutique doit être plus divertissante que la mienne, vous avez certainement droit à une plus grande diversité de pro…d'hybrides que je n'ai d'humains différents."

Il avait faillit commettre une bourde. Il faut dire que, pour rester neutre et indifférent, il fallait nommer les êtres et les choses différemment. On sous-estimait souvent la force des mots et les nuances des appellations.

"Mais, si nous en profitions pour déguster les appétissantes pâtisseries que votre ravissante personne a eu la délicatesse d'apporter. J'espère que le thé vous convient?"

Jack était encore un peu perturbé, et cela se ressentait.

Kerges sourit au lapsus révélateur du propriétaire de la boutique à humains de la cité. Il ne les voyait pas comme des êtres mais comme de la marchandise, mais c’était encore différent que de les considérés comme des sous-êtres, une vision étrange de la chose, mais pas anormale en y réfléchissant. Après tout, les humains étaient ce qu’il vendait pour vivre, et ce, à l’égal des hybrides vendus par lui-même et Nisis. Il salua Jack de la tête pour le remercier de son accueil moquetté. Il prit en suite la parole.

- Le thé est excellent, en effet, et ne vous en faites pas, je suis très bien installé. Je vous en remercie.

Kerges faillit s’étouffer en entendant la remarque ratée de Nisis. Manger une pâtisserie en entendant la remarque n’était pas une grande idée, mais il ne pouvait pas deviner la suite. Voyant le trouble de Nisis, toute perdue, il la prit dans ses bras pour la rassurer.

- Ce n’est rien, mon amour, ca arrive à tout le monde de perdre le fil de ses pensées et de dire une petite bêtise…

Kerges finissait sa phrase lorsque la mise en garde de sa maîtresse tomba dans son oreille. Il fut un peu surpris, mais n’en montra rien.

- Merci de me prévenir mon amour, ne t’en fais pas, je ferai attention.

Il embrassa Nisis dans le cou avant de la relâcher de son étreinte. Il la vit perdue dans ses pensées, la sombre devait être à l’œuvre et elle n’était pas seule.

- S’il nous touche, il y aura du pâté de démon au repas de ce soir!
- Allons, reste calme, il est gentil jusque là.
- Mouais, tu veux qu’il te ramone le conduit arrière, le monsieur d’intérieur?
- Mais arrête avec ca!
- Tu es vraiment une peluche, quand je pense que notre amour nous prévient et toi, tu reste comme une grosse carpette. Enfin, tu es toujours comme ça!
- Tu es vraiment infâme et surtout avec notre hôte.
- Je sais, mais fais gaffe à notre cul, peluche!
- Oui, comme tu voudras…

Kerges revint à lui presque aussi rapidement que Nisis. Jack devait avoir senti le vide devant lui niveau convive. Il entendit la remarque de Nisis sur les hybrides et aquéssa de la tête.

- Il est vrai que tout conseil nous serait d’une grande utilité dans ce cas là. Car sinon, il y a bien la possibilité de faire appel à un ou une démone musclée ou au talent certain, mais ce n’est pas le plus profitable.

Kerges entendit le tintement de la cuillère et passa son bras autour des épaules de sa douce pour la rassurer un brin. Il regardait Jack pour tenter de voir à quoi il pensait en cet instant, et surtout après le blanc de ses deux invités…

Ses invités, enfin, essentiellement Nisis, semblait encore plus gênée que lui-même. Il se devait de faire quelque chose pour que la situation évolue favorablement, sinon lui ou sa collègue allait finir par passer l'arme à gauche sous l'effet du stress.
Heureusement, une remarque formulée à point nommé sur les marchandises de l'antre permis à Jack de sauter sur le sujet pour tenter au mieux de ramener la situation à un état de convivialité suffisant.

"Je ne sais si résoudre la violence par la violence est la meilleure des choses. Dans le contrat d'embauche que j'ai fait pour mon employé, il faisait bien spécifié qu'en aucun cas la mar… les humains ne devaient être maltraités. Bien sur, il peut arriver que nous devions user de l'un ou l'autre pouvoir pour les calmer, mais cela reste relativement rare."

Jack se détendit, parler de son commerce comme compter l'argent le mettait toujours dans un état un peu second ou tout son corps se relaxait. Son sourire devint chaleureux et réel et ça s'en ressentit sur ses invités.

"Il m'est d'ailleurs amusant de constater que les femelles sont bien souvent les plus rebelles ou celles qui ont tendance à essayer de mettre fin à leur jour. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les mâles ont tendance à accepter plus facilement leur sort.
Cette comparaison, d'ailleurs, m'effraye, car ils me rappellent parfois ma propre race, ou les succubes ont tendance à dominer les mâles."

Il but une tasse de thé et mangea un morceau de gâteau. Il tiqua un rien quand Kerges appela Nisis "ma chérie" mais ne dit mot. Après tout, libre à sa collègue de partager ce qu'elle voulait avec l'hybride, cela ne le regardait pas.

"Mais le dialogue reste ma solution privilégié. Il est étonnant de voir ce que quelques mots peuvent produire sur un être de conscience.
Au passage, les pâtisseries sont vraiment délicieuses."

Il les analysait tout en leur souriant. Le démon était toujours convaincu que cette soi-disant bonne entente entre les divers commerce de soumis n'était qu'un piège. D'ailleurs, si l'ange était venue pour cela, comment se faisait-ce que le propriétaire de la troisième boutique soit absent. Jack n'en montrait rien, mais restait suspicieux à l'égard de ses invités. Surtout du Wemic, il ne savait pourquoi, mais en l'instant c'est des deux celui qui semblait le plus dangereux.

"Kerges, n'hésite pas à te resservir du thé. S'il faut j'en referai."

Noyer le poisson dans le thé, qu'elle excellente idée.

Kerges ne comprit pas la réplique de sa maîtresse, elle semblait perturbée. Il se demanda quoi faire. Elle ne semblait plus avoir de prise sur la situation. Et contrairement à ce qu’elle entendait, Jack Koupl semblait calme, détendu et de bonne compagnie.

- Pardonnez, maître Jack…

Kerges se demandait vraiment quoi, il serra sa maîtresse contre lui, espérant que cela lui ferait un peu de bien de sentir une présence amie et même plus qu’amie…Il répondit tout bas à sa maîtresse.

- Allons, il n’est pas féroce, c’est tout le contraire. Tu me sembles vaseuse mon amour, aimerais-tu que nous repartions pour revenir un jour ou tu te sentiras parfaitement en condition? Je me demande si ton état n’est pas du aux médicaments. Après tout, tu en as pris pendant un moment et tu en prends toujours pour diminuer les doses, mais tu es plus sensible à la médication que ton autre moi…

La voix de Kerges trahissait son inquiétude pour sa tendre Nini. Elle semblait faire une poussée paranoïaque. Mais avec l’auto médication de la Fallen, c’était assez normal.

- Allons, tu n’as rien à craindre mon amour, je suis là, tu sais bien que personne ne te fera du mal, en ma présence. Du moins, pas tant que je serai vivant…

Kerges espérait avoir rassuré sa douce moitié et revint à la suite de la discussion avec le démon vendeur d’humains. Mais, la remarque de Nisis ne fit que craindre le pire à Kerges. Il regarda Nisis dans les yeux, puis, le démon. Celui-ci semblait un peu perplexe, mais sinon, imperturbable. Kerges se demanda si Nisis n’avait pas raison d’avoir peur de lui. Il devait être fourbe comme toute son engeance. Kerges céda la place à Nintaï, celui-ci observait de nouveau la pièce, mais de façon à trouver une issue éventuelle.

- Allons, ce n’est pas si petit, ma douce, mais il est vrai que vous semblez fort seul…

La voix de Nintaï était plus grave et le fait semblait inévitable. Il se dit que Nisis saurait et que Jack se poserait des questions. Il se laissa enlever la tasse des mains par Nisis et vit que celle-ci tremblait en reposant les tasses.

- Dites moi, maître Jack, pourquoi portez-vous toujours des couleurs sombres? Je suis certain que d’autres couleurs devraient vous aller bien mieux que cela…

Derrière cette innocente question, Kerges lançait un coup de sonde pour définir quelle était la personnalité de Jack car un choix de noir avait toujours une raison précise, surtout si on ne changeait jamais de couleur et de plus, jamais de tenue…

Le démon faillit recracher son thé dans sa tasse aux paroles désordonnées de son interlocutrice. Que venais donc faire mamelles et malles dans la conversation. En soi, l'ange était une personne étrange. Mais dans l'esprit de Jack une solution logique venait : après tout, les hybrides qu'elle vendait étaient des créatures tout aussi étranges. Il était donc normal que cela s'en ressente sur la propriétaire de l'antre.
Et elle s'excusait de son comportement, du à quelque fièvre.

*Même un hybride-cheval ne doit autant délirer lorsqu'il est fiévreux. Il semblerait que son hybride de compagnie/garde du corps soit lui, plus censé que sa maîtresse.*

Jack ne répondit rien, se contentant de sourire à une Nisis qui pataugeait dans la chantilly des pâtisseries qu'elle avait apporté.
Elle reparti, peut-être sur un éclair de lucidité, vers un sujet de conversation que le démon considérait comme censé, et qui était son habitat. En cela, elle fut surenchérie par le Wemic, Jack devenant leur obligé quant à la fourniture d'une réponse.

"Ma demeure n'est pas grande, j'en conviens. Mais une plus grande propriété me serait parfaitement inutile. Non pas que je n'ai les moyens, je pense que mon commerce tourne suffisamment bien. Néanmoins, vivant seul, une maison plus importante me demanderait trop d'entretien, et surtout certaines pièces seraient d'une grande inutilité."

Il ne releva le mot du "vous semblez bien seul". Cela aurait pu en rester là si Kerges n'avait continué en parlant de sa couleur vestimentaire.
Là, un voile sombre s'abattit sur le visage de leur hôte. Il n'arrivait plus à rien. En temps normal, il aurait esquissé un sourire et détourné le sujet, mais ici, en ce moment, à cet endroit et en l'état, il ne s'y attendait pas et donc n'avait pu créer sa barrière mentale habituelle.
Un moment de silence passa et, d'une voix triste, inhabituelle au démon, il conta son histoire.

"Et bien, pour tout dire Kerges, il fut une époque où je portais d'autres vêtements, dans des couleurs plus vivantes. C'était une époque merveilleuse de ma vie, oui, vraiment merveilleuse. Je crois que c'est pendant c'est 35 ans que j'ai réellement vécu."

Il marqua un temps d'arrêt. Son interlocuteur principal était l'hybride, non plus Nisis, et cela se sentait, même si Jack regardait le service à thé fumant

"Il y a de cela une soixantaine d'années, je me suis marié, vois-tu. Non pas à une démone comme l'aurait exigé les bonnes séances de l'époque, en pleine guerre donc, mais à une merveilleuse et douce ange. A l'époque, je n'ai pas honte de l'avouer, mais mes employeurs étaient des personnes peu, voir très peu recommandables et c'est par hasard que nous nous sommes rencontrés."

Il s'arrêta un instant pour prendre sa respiration et repris, sans se soucier que ce qu'il racontait intéressait ou pas son interlocuteur

"Or donc, un soir où je venais de clôturer mes comptes, j'entendis du bruit dans le hangar où les affaires de mes employeurs étaient implantées. Un groupe de démons de seconde zone venaient d'attraper une ange. Il n'était pas rare que les représentants de cette race, homme ou femme, se retrouvent en tant que jouets sexuels avant d'être réduit en charpie et offert aux gargouilles de gardes. Mais ce soir-là, tout fut différent, le cri de détresse qu'elle poussa me paralysa, éveillant quelque chose en moi. Je descendis donc trouver les sbires de bas étages et les interrompis juste à temps. D'abord tout en douceur en parlementant, ensuite en les forçant à s'auto-massacrer puisque les mots ne servaient à rien. Cela fait, la pauvre hère hésitait encore à me remercier. Il faut dire que, de voir ses agresseurs s'entre-tuer simplement à la vue du sourire de son sauveur avait de quoi être effrayé. Mais finalement, comme je lui tendais la main, elle la prit. Comme elle semblait muette de peur, je l'ai ramenée chez moi, lui ai offert un thé bien chaud et me suis couché, la laissant dans le salon. La nuit passa et quand je me réveillais, elle était toujours là. Assise dans mon fauteuil dans le salon. Nous prirent un déjeuner rapide ensemble et, sans que je l'ai vu venir, elle m'embrassa."

Il refit une petite pause dans son discours. Ni Nisis, ni Kerges ne parlait, écoutant avec attention le démon parler. L'ange semblait même aller mieux depuis qu'il avait commencé son récit.

"Les jours qui suivirent furent particulier pour moi, car, parlant peu, l'ange avait réussi à me faire changer. Je n'étais plus le Jack froid et insensible, j'étais un autre démon, celui que j'aurais toujours du être, souriant, toujours calme, mais d'agréable conversation. Du chapeau sombre, j'étais passé aux lunettes de soleil, ce qui me donnait un petit air bien différent de l'habituée. Finalement, je remis ma démission à mes patrons qui, contrairement à ce que j'aurais pu croire, me laissèrent filer ainsi, me rappelant juste que je serais toujours le bienvenu dans leur organisation.
Bien entendu, tout n'était pas rose, car voir un démon et une ange côté à côte, l'amour dans les yeux, ça ne faisait bon genre. D'ailleurs, nombre de fois notre chez nous se retrouva ravager. Mais tant que nous étions ensemble, les mauvais coups ne devenaient rien d'autres que des broutilles.
2 ans s'écoulèrent quand je lui demandai enfin sa main, ce qu'elle accepta. Nous nous mariâmes, même si celui-ci ne fut jamais valide.
De là, trente années de bonheur s'écoulèrent. Nous ne pouvions avoir d'enfant, mais cela ne nous gênait, quand nous pensions nous en sentir prêt, nous en aurions adopté un. Seulement, ma tendre souffrait d'une maladie infantile. Elle lutta 3 longues années contre sa maladie avant que la mort ne vienne la quérir."
Un instant de silence se fit, puis Jack releva la tête, son sourire neutre affiché en grand sur son visage

"Et depuis sa mort, mon visage c'est figé en un sourire inexpressif et ma voix à récupéré son son monocorde hérité du temps où je travaillais avec mes employeurs peu recommandable. Et bien entendu, j'en suis revenu à mon style vestimentaire original. Voilà pour l'explication"

Il les regardait, l'air de rien, comme si tout ce qu'il avait dit n'était que du vent. Pourtant, son âme pleurait en cet instant. Voilà près de trente ans que cette histoire avait eu lieu et son cœur n'avait encore refermé la plaie qui y était liée.

Nintaï n’avait pas perdu un seul mot de ce qu’avait dit Nisis, pas plus qu’il n’en avait perdu un seul du récit de Jack. Il semblait qu’il ne se trouvait que des écorcher de la vie dans cette pièce. Chacun avec son histoire et les recoins sombres de celle-ci. Il prit le parole pour rassurer Nisis.

- Ne t’en fais pas, je veille sur toi, comme promis. Mais la situation ne réclame pas ma présence pour le moment, je te rends ta douce peluche. Et oui, il y a des médications étranges, mais en diminution. Demandes à Kerges, il t’en parlera aussi bien que moi.

Nintaï passa le relai à Kerges. Ce dernier prit directement Nisis dans ses bras. Autant pour ce rassurer lui que pour la rassurer elle. Il n’aimait pas la savoir dans cet état. C’est alors que Jack commença à parler de son histoire, à en développer le contenu. Kerges n’en revenait pas, le patient et calme Jack, que l’on disait homosexuel avait eu une femme. Une ange qu’il avait protégé un soir et qu’il aimait tendrement. Le noir qu’il portait montrait donc un respect pour celle qui avait su le changer, le comprendre et l’apprécier. Un ultime hommage qui ne finissait pas car Jack restait inconsolable de cette perte. Kerges pensa à sa sœur disparue et une grande tristesse se marqua sur son visage. Il prit la parole à ce moment précis.

- Je comprends votre perte. J’ai perdu toute ma famille et elle me manque plus que tout. Mais, j’ai fait une promesse de vie à ma sœur et aussi à celui qui m’avait capturé.

Il se tourna vers Nisis un moment, la phrase suivante étant pour elle.

- Je ne te l’ai jamais dit, ma douce, mais à l’époque… A l’époque, j’avais pensé à rejoindre les miens sur l’autre rive de la vie. Puis, tu es arrivée dans ma vie. J’ai retrouvé les couleurs de ce monde.

Revenant à Jack.

- C’est de la compagnie qui vous manque, maître Koupl. Ce n’est pas en restant seul que le goût de la vie va revenir. Je suis certain qu’une présence, ne serais-ce qu’amicale vous ferait du bien.

Kerges fit silence. C’est alors que Nisis parla de déviance pour compenser la perte. Kerges pensa qu’elle faisait erreur, mais rien ne lui permettait d’affirmer le contraire. Il salua tout de même l’effort de sa compagne pour tenter d’apaiser un peu Jack, même si c’était maladroit.

- Tu as raison, c’est une triste histoire. Mais je ne pense pas que les troubles dont on accuse maître Koupl soient réelles, ou du moins aussi poussées. Un homme triste, solitaire et vêtu de noir, toujours arborant un sourire de façade, cela a du attirer des commentaires. Les gens sont si méchants lorsqu’ils ne savent ou ne comprennent pas…

Kerges repensa au chasseur qui l’avait aidé pendant son séjour en cage. Les autres chasseurs l’avaient regardé de travers lorsqu’il s’occupait de lui. Pourtant, il était quelqu’un de bien. Les autres ont du l’affubler d’une réputation encore pire que celle de Jack. Kerges fut tiré de ses pensées par Nisis. Celle-ci se levait et le pria de la suivre, ce qu’il fit. Une fois arrivée derrière Jack, elle le prit dans ses bras et lui demanda de faire de même. Kerges prit les deux dans ses bras, donnant un câlin aux deux.

- Si vous avez besoin de parler ou d’un peu de compagnie, en tout bien tout honneur, je veux bien venir vous voir de temps à autre, maître Jack. Si tu es d’accord mon amour, bien sur.

Kerges avait fait l’offre et ce, malgré qu’il sentait les oppositions de Nintaï au fond de lui. Celui-ci pensait qu’il n’y avait pas de fumée sans feu. Et demandait de la prudence à son pendant Peluche. Kerges préféra écouter son cœur et la volonté de Nisis. Il espérait n’avoir pas fait une proposition trop hâtive quand même…