Thé et tarte aux pommes [Yuri]

Cela faisait quelques heures que Kerges essuyait la mauvaise humeur de sa maîtresse. Il savait qu’il fallait faire avec. Le stratège se moquait ouvertement de lui. Il était couvert de farine.

Rajoute un peu de lait et un œuf, au vu de la farine et du sucre, il n’y aura plus qu’à te passer un brin à la poêle pour avoir une crêpe au wemic. Hahahaha.
Ne te moque pas de moi! Tu as de la chance que je te laisse pas te démerder dans la cuisine. Et puis, je suis plus dans les plats principaux que les desserts.
Ah oui, je m’en rappelle, ta spécialité, gnou à la broche avec des racines et des bulbes, c’est vrai que c’est bon…
Tu vois, même toi tu le dits, alors, ne te moques pas!
Bon, ca va, je prendrai le relais sur le chemin vers chez la démone, c’est un boulot pour moi!
D’accord, libre à toi. J’ai besoin de souffler de toute faç…

Ce fut la tarte reçue dans la figure qui arrêta la discussion entre ses deux psychés. Sa maîtresse ne semblait pas se calmer.

- Si vous l’avez dit, elle en aura maîtresse, je me remets au travail.

Kerges recommença une tarte. Il savait qu’il devait s’appliquer. Il fit une tarte qui si elle ne semblait pas tout à fait présentable, était pour le moins, la moins ratée de la série. Il écoutait sa maîtresse pendant la préparation, mais uniquement d’une oreille, cherchant à s’appliquer au mieux. Kerges ne se fit pas prier pour se changer et se laver. Une fois prêt, il rejoint sa maîtresse. Sa question réveilla l’autre. Kerges le doux laissa la place au stratège.

- Elle n’aura pas de quoi se vanter. Si nous frappons ensemble, chère et belle ange noire, elle ne saura même pas ce qui lui est arrivé en rentrant dans les enfers…

La voix de Kerges était plus grave et ses yeux semblaient guetter, déjà, le moindre danger. Il ouvrit la porte pour céder le passage à sa maîtresse. Elle passa devant. Il en profita pour caresser les rondeurs arrières de sa maîtresse. Il savait que si il tenait son rôle, la nuit serait longue et qu’elle oublierait les cônes de glaces. Le pavillon semblait étrange pour le wemic, il n’était pas habituer à ce genre de constructions. Il ne restait plus qu’à attendre la maîtresse des lieux.

Ishina savait que des visiteurs devaient passés. Elle avait dressé la table en attendant ses invités. Elle avait laissé le choix à ses compagnons de vie de se joindre à elle ou non. Elle observa ses convives arrivés. Dame Fallen était en retard, elle aurait dû arrivée alors que le soleil était encore au dessus de la ligne d’horizon, car Ishina voulait rencontrer la partie claire de Nisis. Elle était certaine qu’elles se seraient entendues. Mais tant pis, ce serait pour une autre fois. Le wemic semblait prêt à défendre sa maîtresse, maîtresse qui était vêtue pour une grande occasion. Ishina avait fait attention à sa tenue, elle portait un kimono en soie sauvage dans les couleurs allant d’orange à écarlate avec une obi noir. Elle alla vers la porte et en entendant l’annonce de Nisis, elle fit coulissée la porte d’entrée.

- Soyez les bienvenus dans mon humble pavillon. Dame Fallen…

Ishina s’inclina devant Nisis

- Vous devez être Kerges Mach’tel, j’ai entendu parlé de vous. Un guerrier si j’ai bien compris. Je vous prierais, cependant, de bien vouloir mettre vos armes dans la penderie de l’entrée. La guerre n’entre pas ici. Vous êtes venus en paix et je m’engage à respecter cette paix.

Elle avait fixé le wemic dans les yeux. Le regard du wemic était dur. Celui d’Ishina se durcit pour faire comprendre qu’elle n’entendait pas rompre l’harmonie des lieux pour lui. Elle se tourna en suite vers Nisis.

- C’est un plaisir de vous revoir. Donnez-vous la peine d’entrer pour profiter de la chaleur de l’habitation.

Une fois que le wemic eut déposé ses armes dans la penderie, Ishina prit le bras de Nisis et conduisit cette dernière à la salle de séjour. La table y était dressée et n’attendait plus que les convives. Ishina avait mis suffisamment de couverts pour toutes la maisonnée et ses deux invités du soir. Mais elle avait laissé le choix à ses compagnons de vie de se joindre à eux ou pas.

- Je ne sais pas si toutes les places seront prises. J’ai laissé le choix à mes possessions de se joindre à nous ou pas. Ne vous étonnez donc pas si nous ne mangeons qu’à trois.

Ishina s’installa et plaça Nisis à sa gauche. Elle laissa le choix à Kerges pour la place qu’il occuperait.

- J’ai cru comprendre que vous vous étiez mise à la cuisine? Est-ce que cela se passe comme vous l’entendez?

Ishina voulait juste lancer la discussion sur un sujet anodin. Laissant le choix du premier sujet véritablement sérieux à son invitée si particulière…

Kerges s’attendait à une démone perverse et outrageante et au lieu de cela, il trouvait une démone en kimono et parfaitement civilisée. Il se demanda si c’était bien la bonne adresse. La démone lui fournit la réponse et oui, c’était la bonne adresse. Il entra et observa le hall. A la demande de la démone, il laissa ses armes dans une penderie où se trouvaient les vestes de tous les habitants de la maison. Il savait qu’il avait un rôle de protection et qu’on ne s’adresserait probablement pas beaucoup à lui. Il se demanda pourquoi la démone avait voulu qu’il vienne avec, et ce, impérativement. Il prit la parole dans le vestibule tout en suivant la maîtresse de maison et sa maîtresse.

- Si la violence et la haine doivent rester dans cette armoire, pourquoi avoir insisté pour que je vienne, vous saviez que j’étais un gardien. Et de plus, je suis d’une race de chasseur! Serait-ce une forme de dualité?

Kerges appréciait son trait d’esprit. Sa maîtresse lui avait parlé du regard de la démone. Il observait ses yeux, et ne s’en détachait pas. Il se demanda comment il devait prendre l’ordre de prendre place. Mais, il fit ce que la démone demandait. Kerges observa la décoration. Typique japonaise, mais qu’attendre d’autre d’une démone Japonaise. Kerges s’installa de l’autre coté de la démone, sur un petit coté de la table. Il pouvait ainsi surveillé ce que ferait la démone. Une chose choqua Kerges, elle avait placé Nisis où aurait du se trouver le maître de maison et non une invitée. Cela le troubla.

- Permettez-moi une autre question, dame no Oni, mais si je comprends, nous risquons de ne pas être plus nombreux. Vous avez l’habitude de laisser des latitudes à vos soumis?

Kerges lançait des questions précises pour cerner l’hôte de cette soirée. Il espérait en savoir assez et surtout, en prévision de sa rébellion, savoir si il devait se méfier d’elle ou pas. Et puis, les informations seraient aussi utiles pour sa maîtresse, pour savoir si elle devait vraiment se défier de la no Oni. Kerges observa la réaction de la no Oni lorsqu’elle prit la boîte. Elle semblait intéressée et se demander ce qu’elle pouvait bien contenir. Kerges savait d’avance qu’elle ferait une drôle de tête en voyant le gâteau au chocolat. Elle semblait apprécier l’intention.

- Tu vois, elle n’est pas aussi désagréable et vile qu’on aurait pu le croire.
- J’ai remarqué, mais restons alerte. D’ailleurs, je garde la place.
- Oh, je n’en veux pas de ta place, tu peux rester en place, je retourne à mon repos.
- C’est ça, retourne dormir dans ton coin…

La sortie de la peluche avait un peu énervé. Il avait un rien perdu le fil de la conversation entre l’ange noire et la démone qui pour le moment paraissait bien blanche…

Ishina laissait ses convives s’installer. Nisis lui avait tendue une boîte et les questions de l’hybride, étaient bien plus pointes qu’elles ne semblaient de prime abord. Elle ne les esquiva pas, mais préféra attendre d’être installée pour répondre. Elle se releva et alla chercher des rafraîchissements dans la cuisine. Cela lui laissait le temps de penser à cet étrange hybride et à ses questions non moins étranges.

- Mon cher Kerges, si je peux vous appeler Kerges? La dualité est en tout un chacun, et ce n’est probablement que la plus petite émanation de ma propre dualité. Mais, j’ai su m’avouer mon problème et je vis assez bien avec. Est-ce votre cas?

Elle avait répliqué sur le ton de la conversation, mais la réplique n’en était pas moins aiguisée. Elle savait qu’un bon mot et une langue acérée valaient parfois bien mieux qu’une joute physique. D’autant que le wemic semblait être une force de la nature. Ishina servit les rafraîchissements et se rassit à coté de Nisis. Elle allait répondre à cette dernière sur un éventuel monsieur no Oni.

- Je n’ai pas de compagnon démon. Non pas que l’idée me déplaise, mais je n’ai pas trouvé un démon partageant mes goûts. Ma mère a eu plus de chance que moi à ce sujet. Elle a trouvé en mon père un écho macabre et brûlant à sa folie de sang et de chair humaine.

Ishina indiqua un morceau du mur où était suspendu l’estampe de sa mère. Celle de son père étant chez un restaurateur suite à l’incident de la propriété Sanguir.



Elle savait que la vision de sa mère sur cette estampe provoquait souvent d’étrange réaction, mais Tsuburu restait sa mère, comme Fushiki restait son père, malgré le mal qu’il avait fait bien des années plus tôt en voulant révéler le potentiel de sa fille. La seconde question de l’hybride ne l’irrita pas, elle appréciait qu’il la pose, presque pour laisser sentir qu’elle n’était pas comme les autres démons de la cité.

- Mes soumis ont toutes les largeurs qu’ils peuvent espérer dans une maison qui est aussi la leur. Je suppose qu’il en est de même pour vous, Kerges?

Elle savait qu’elle avait une fois encore répondue de façon convenable, même si un peu pointue dans le verbe. Elle ne voulait pas fâcher ses invités par des remarques ou des questions trop vives, mais il semblait chercher le défaut dans sa cuirasse. Elle revint en suite à Nisis. Elle voulait en savoir plus sur ses expériences culinaires. Elle ouvrit la boîte et découvrit un gâteau au chocolat. Elle le trouvait beau. Et elle appréciait encore plus l’intention de ses convives. Un sourire de joie marqua d’ailleurs ses traits.

- Je vous remercie pour cette attention. Nous le partagerons au dessert. Je suis déjà impatiente de le goûter. Mais pour ce qui est de vos aventures culinaires, ce serait dommage de vous arrêter en si bon chemin. Si cela peut vous faire plaisir, je vous apprendrai un ou deux plats faciles à faire de mon pays. Qu’en dites-vous?

Ishina avait touché le bras de Nisis comme l’aurait fait une vieille amie. Elle se savait observée par le cerbère de la belle Nisis. Elle se demanda comment ils allaient réagir, l’un comme l’autre. Mais après tout, elle n’était pas agressive, ses yeux en étant la meilleure preuve, ils étaient toujours d’un noir d’encre…

Kerges continuait d’observer les réactions de l’hôte de la soirée. Elle semblait à son aise avec les mots et répondait avec une adresse verbale extraordinaire. Il savait qu’il avait piqué au vif, mais les répliques étaient à la hauteur. Il commençait à apprécier la démone. Elle avait de l’esprit et était agréable. De plus, elle ne le regardait pas comme un monstre, un autre point pour elle. Il répondit donc à la maîtresse de maison.

- Je m’arrange de ma dualité, comme chacun de nous. Et pour ce qui est de mes libertés, j’en ai assez. N’en doutez pas. Et peut-être qu’un jour, nous en aurons plus…

Kerges avait fait deux allusions dans la même phrase, une sur la nature double de toutes les personnes à table et l’autre, sur la possible rébellion des hybrides. Il voulait savoir quoi penser d’elle précisément. Il avait avancé ce sous-entendu suite à sa réponse sur la liberté de ses soumis. Kerges avait d’ailleurs remarqué qu’elle semblait avoir du mal à prononcer ce mot. C’est alors qu’il regarda le portrait. Il ne put s’empêcher de cracher l’apéritif dans son assiette de surprise. Il entendit la stupeur de sa maîtresse et la comprit d’autant mieux. Il allait passer pour un mal propre, mais tant pis.

- Je m’en excuse maîtresse, je n’ai pas su me retenir. Je vais nettoyer ce désastre et aller aux commodités. Si je peux m’enquérir de leur place?

Kerges savait que ca ne serait pas simple de faire avaler ça à la démone, mais bon, on verrait bien ce qu’elle en dirait. Le gambit était en place de toute façon…

Ishina écouta les réponses du wemic. Elle observa aussi les réactions des convives à la vision de dame sa mère. Elle ne fut pas surprise par les réactions, c’était classique. Elle rigola un peu de la pauvre excuse, mais sans arrière pensée. Compris l’allusion à la dualité, mais ne comprenait pas vraiment ce qu’il entendait pour plus de libertés. Après tout, ses compagnes et son compagnon de vie étaient mieux que bien traités et surtout, libre de choisir ce qu’ils voulaient sous ce toit. Elle répondit au wemic et à la gêne de sa convive.

- Ne vous inquiétez pas. La vision du portrait de ma mère dans ses œuvres soulève toujours le cœur de ceux qui l’observent pour la première fois. Mais cela reste une démone de haute naissance et de haut rang au Japon. De plus, bien qu’elle soit grosse en apparence, elle a une vitesse surprenante. Je l’ai vu manger un cavalier qui fuyait sur sa monture un jour. Et c’est elle qui lui courait après, personne d’autre. Mon cher Kerges, pour ce qui est des commodités, si vous en avez vraiment besoin, vous les trouverez dans le couloir que nous avons pris pour venir dans cette pièce, la troisième porte à droite.

Ishina savait que le wemic n’avait pas produit la moindre odeur étrange. Par contre, il avait craché son apéritif de surprise dans son assiette. Ishina se leva et alla à la cuisine pour remplacer son assiette. Elle mit l’assiette dans l’évier et regarda ce qui lui restait dans son cellier.

- Que diriez-vous d’un peu de saké pour accompagner les fritures apéritives?

Elle vint avec un plat chargé de crevettes enrobées passées à la friture. Il n’y avait pas que ca, d’autres spécialités devant passer à la friture. Elle avait aussi préparé des raviolis chinois et de la soupe aux nouilles avant d’en arriver au plat principal. Elle avait passé une bonne partie de la journée à cuisiner.

Kerges indiqua d’un hochement de tête qu’il avait bien compris que sa maîtresse ne voulait pas restée seule trop longtemps. Il alla donc au plus vite, d’autant qu’il n’avait pas exhaler la moindre odeur putride. De plus, le portrait l’avait choqué. Comment avait-on pu peindre une scène aussi atroce? Kerges se demanda comment prendre cette estampe, mais aussi, a quoi pouvait ressembler le père de la no Oni. Une fois de retour, il vit sa maîtresse occupée à boire, c’était une chose qu’il allait faire aussi. Il se réinstalla et prit une coupole et bu. Il vit aussi que l’apéritif était servi. Il commença à manger et trouva les fritures fort bonnes.

- Je ne sais si vous les avez faites vous même, mais les fritures sont excellentes. J’espère que vous me direz comment vous les faites?

Kerges mangeait avec envie. Il ne semblait pas se rappeler ce qu’il avait vu un rien plus tôt et il évitait de regarder à nouveau l’estampe…

Ishina apprécia le petit jeu entre Nisis et son compagnon wemic. Elle appréciait de les voir jouer, d’une certaine façon. Ils avaient passé le fait qu’elle avait marqué qu’elle savait que le wemic n’avait pas commis d’odeur épouvantable. Mais ca l’amusa de les voir faire comme si. Elle restait donc quelques instants seule avec Nisis…

- Que pensez-vous de mon petit chez moi? J’ai fait mon possible pour avoir une décoration traditionnelle. Mais le pavillon était déjà fort beau avant que je ne m’en occupe. Les propriétaires précédant semblaient être très soigneux.

Ishina, tout en parlant, invita Nisis à reprendre place à table. Elle fit un aller retour supplémentaire pour apporter les plats ainsi que le saké et les coupoles. Elle servit une coupole à Nisis et en fit de même pour elle. Elle avala une gorgée et reprit la parole.

- Vous êtes magnifique dans cette robe. On peut voir que vous avez du goût et que vous savez vous habillez.

Ishina trouvait Nisis très belle. Elle toucha l’étoffe de la robe tout en faisant le compliment. Elle se doutait que Nisis devait être décontenancée par son attitude. Elle n’avait connue que la partie no Oni de sa personne. Ishina effleura légèrement la poitrine de Nisis au passage. C’est alors que le cerbère revint. Il s’installa et profita de ce qu’Ishina avait mis sur la table. Elle apprécia le compliment du wemic.

- Merci, Kerges. J’espère que le reste sera tout aussi à ton goût.

Elle resservit le wemic avant de remettre son attention sur Nisis, après tout, c’était elle l’invitée principale.

Kerges écoutait les deux femmes. Il ne voyait pas où elles voulaient en venir. Dame Fallen était trop réservée et Ishina un rien trop expressive pour lui. C'est à peine si il nota que sa maîtresse lui parlait. Il tendit mécaniquement sa coupole pour qu'on le resserve de saké. Il commençait a ne plus savoir trop quoi faire. C'est alors qu'il remarqua une légère pellicule de neige qui ornait les arbres et le décor extérieur. Il jeta un œil sur Nisis, mais celle-ci ne semblait pas plus en danger que précédemment, juste le contraire, elle parlait calmement avec la no Oni. C'est alors que Nisis reprit sa phrase et prononça son nom, enfin, une des variantes de son nom.

- Euh, merci maîtresse, et je trouve votre proposition de promenade digestive fort à propos...

Kerges avait l'air perdu, mais c'était le portrait qui trônait au dessus de la table qui continuait de le perturber, comment pouvait-on laisser vivre des choses pareilles? Il ne voulait même pas imaginer la tête du père...

Ishina se sentit rougir aux compliments répétés sur sa cuisine. Elle ne cuisinait guère et n'avait pas le talent de sa soeur ainée la plus proche par l'âge. Elle ne savait comment répondre à ses invités, si prévenant. C'est alors qu'une promenade digestive fut proposée. En regardant dehors, elle remarqua la fine couche de neige qui déjà disparaissait. Elle comprit où l'esprit de Nisis avait vagabondé alors qu'elle parlait sottement de vêtements. Nisis avait imaginé un décor magnifique, couvert d'un blanc virginal. Elle se mit à regarder Nisis. Elle n'avait jamais pensé au blanc comme cela et commençait à trouver que le blanc de son teint devait avoir un petit rapport avec ça. Malgré ce qu'elle avait fait et les mœurs légères de Nisis, Ishina se dit qu'au fond d'elle-même, Nisis devait encore être vierge, une virginité de l'âme, quelque chose de plus profond que les apparences. Ishina se laissa aller et caressa la joue de Nisis en la regardant passionnément. Elle n'avait pas fait attention à ce qu'elle faisait. Nisis lui avait fait une remarque charmante sur sa tenue. Elle avait eu comme une absence et il était temps pour elle de répondre.

- Je vous remercie pour le compliment sur ma tenue, mais ce n'est qu'un simple kimono de soirée, il convenait pour la circonstance. La soie sauvage est agréable à porter. Encore merci pour les éloges sur mon travail en cuisine.

Ishina pensait s'être reprise, mais elle sentit le sang qui lui battait aux joues. Elle s'inclina légèrement pour cacher son trouble. Elle but une gorgée et au vu des coupoles vides, elle resservit. Elle se demanda pourquoi cela arrivait maintenant. Peut-être le saké? Non, c'était une bonne excuse, mais cela restait une excuse. Ishina pensa sérieusement à la situation et ne vit qu'une explication, elle appréciait Nisis plus qu'elle ne le pensait. Entre les actes horribles de la forêt du manoir Sanguir et la visite dans l'antre, elle ne gardait que l'image de l'antre. C'était une ange ouverte et sensible. Elle s'en voulait encore pour la forêt, mais c'était trop tard, elle ne pouvait modifier le passer.

- Excusez ma gène, je ne la comprends pas encore convenablement. C'était une charmante intention que de couvrir de neige la propriété. Le cadre serait plus agréable dans un blanc virginal.

Ishina toucha le bras de Nisis et la regarda dans les yeux. Elle savait que le sous-entendu sur la relation naissante, encore blanche et virginale n'était pas simple à lever, mais elle espérait que Nisis avait pensé à ça ou y penserait en entendant sa phrase. Ishina ne faisait plus attention au wemic. Celui-ci semblait en contemplation devant le portrait de Tsuburu no Oni, une contemplation qui semblait l'horrifier au plus haut point...

Kerges était toujours comme en transe devant le portrait de la mère no Oni. Il prit la peine de s’approcher et de lire le nom ‘Tsuburu no Oni, matriarche actuelle de la famille no Oni de Kyoto’. L’emplacement à coté de celui-là était vide. Il jeta tout de même un œil sue le nom de la personne qui devait y être représenté, ‘Moteichi no Oni, patriarche de la famille no Oni de Kyoto, membre de la société du feu du Jigoku’. Kerges ne savait pas ce qu’était le jigoku, mais ce n’était pas vraiment son problème. Il ne voulait qu’oublier la vision de la mère no Oni. La proposition de Nisis le tira de sa sinistre rêverie.

- Bien sur maîtresse, c’est une excellente idée. Je vais ouvrir la marche si vous le voulez.

Kerges avait raté ce qui s’était passé entre l’ange et la démone. Il n’espérait qu’une chose, c’est que l’extérieur et la nuit lui permettrait d’oublier la vision d’horreur qui ornait le mur de la no Oni…

Ishina ne savait trop comment interpréter le baiser de Nisis. Etait-ce une réponse à celui qu’elle avait osé poser sur ses lèvres ou était-ce l’œuvre de Nisis, elle-même? Elle n’osait en espérer autant. Elle ne voulait que penser à ce moment un peu étrange, mais si délicieux. Le passer semblait loin en cette minute. Comme Nisis parlait avec Kerges, elle regarda le wemic. Celui-ci était véritablement absorbé par l’estampe de la matriarche no Oni. Il semblait lire les plaques explicatives des estampes. Elle se hasarda à parler au wemic de la peinture manquante.

- La peinture de mon père, qui est en restauration, après les évènements de la demeure Sanguir. Il représente mon père dans le kimono de la société le jour du soulèvement de Kyoto. Il avait pris position sur une hauteur et frappait de ses flammes tous les humains qu’il pouvait voir. Pendant ce temps, ma mère faisait ce qu’on la voit faire sur le tableau qui la représente.

Cette courte phrase permit à Ishina de reprendre un peu contenance, mais c’était sans compter sur le moment où elle recroiserait le regard de Nisis. Elle s’empourpra de nouveau. C’est alors que la proposition fut faite d’aller dans le jardin. Elle ne voyait pas pourquoi refuser cette offre bienvenue.

- Je suis partante pour la visite de mon jardin, permettez-moi d’allumer dehors et je me joins à vous.

Ishina alla allumer les lumières du jardin et revint avec ses convives. Elle ouvrit la porte du jardin et prit le bras que Nisis lui offrait. C’était un moment étrange. Nisis était encore du coté où l’homme du couple aurait du se trouver…

Kerges glissa et ne fut pas long à se remettre debout avec l’aide de sa maîtresse. Il camoufla la fiole dans sa crinière car il n’avait pas d’autre cachette à sa disposition. Il se demanda comment il pourrait s’éclipser discrètement. Puis, il eut une idée, mais il avait encore une chose à demander et il désirait entendre la réponse avant de laisser Nisis et Ishina pour un moment, seules dans le jardin.

- Vous semblez marqué une déférence étrange pour vos parents, comme on le fait pour des étrangers. Pourquoi faites-vous cela ? Et qu’est-il arrivé à Kyoto?

Kerges n’attendait plus que la réponse de la no Oni. Il espérait une réponse claire et précise. Il regarda sa maîtresse avant que Ishina ne puisse répondre et s’adressa à elle.

- Je suppose que cela vous intéresse aussi, maîtresse?

Kerges pensait que sa maîtresse avait l’air trop perturbée pour avoir un plan fixe. Il espérait donc que la no Oni lui donnerait de quoi fixer ses idées avec les réponses à ses deux questions.

Ishina vit le wemic tomber. Elle ne remarqua pas qu’il avait le bas des pattes mouillées. Elle observa Nisis et sourit, un sourire de bienveillance, en voyant l’attention que celle-ci semblait se tracasser pour son compagnon wemic. Elle n’avait aucune idée du manège qui se tramait juste devant elle. La marche reprit et elle s’apprêtait à parler du jardin lorsque les questions de Kerges vinrent la surprendre, mais elle allait y répondre du mieux qu’elle pouvait et sans rien cacher.

- Cette déférence date de l’époque où mon père a failli me tuer. Mais, en retour, j’ai bien failli le tuer. Il voulait m’entraîner et révéler mes pouvoirs. Il déclencha la colère qui bouillonne dans le sang de tous les démons. Vous avez eu affaire à cet aspect de ma personne chez les Sanguirs, chère Nisis. Mon père a réveillé quelque chose contre lequel il ne sait pas lutter. Sans l’intervention de ma mère, je l’aurais tué. Cette déférence étrange vient aussi des évènements de Kyoto. Aussi, vais-je vous les narrer, mais en résumé, vous n’avez pas la nuit pour entendre les exactions des démons et des anges dans cette histoire. La révolte qui fut menée par les humains d’abord et qui fut rejointe par les hybrides en suite, avait été manigancée par les anges de la cité. La colère des humains était tournée vers les démons. D’ailleurs, les anges de la cité ne combattirent pas pour le maintient de l’ordre, mais pas non plus contre les démons, laissant les humains et les hybrides se battrent seuls contre des démons anciens et expérimentés. Ce fut un carnage, carnage qui est représenté sur les deux estampes. Lors de la bataille, j’ai du combattre pour survivre. J’y ai découvert mon troisième talent et j’ai vu l’horreur de ce que faisait mes parents. J’avais déjà arrêté de suivre la voie qu’ils me destinaient. Mais ce fut ce jour là que j’ai décidé de partir de Kyoto et de la maison familiale. Les deux estampes sont des mises en garde contre la nature profonde qui est au fond de moi et que je ne dois pas oublier. De plus, pour les démons qui visitent cette maison, il est normal de trouver des portraits de mes parents ici. Les autres ne voient pas le sens profond de la présence ici de ces deux toiles représentant le massacre de Kyoto…

Elle terminait juste de répondre à Kerges lorsque Nisis posa sa question. Il était normal qu’elle se demande pourquoi sa tortionnaire d’un soir l’invitait un rien plus tard. Elle devait répondre à cela, honnêtement aussi.

- Je vous ai invité pour mieux vous connaître. Vous êtes une personne fascinante, Nisis. Vous aussi, vous avez deux faces. Et si j’ai bien capté l’allusion de Kerges tantôt, lui aussi à une dualité intérieure. Je pensais que nous pourrions nous entendre, et ce, malgré notre mauvais départ commun. Et de plus, je vous trouve charmante…

Ishina regardait Nisis droit dans les yeux, elle se sentit rougir légèrement. Les yeux d’Ishina était deux puits d’encre profond en cet instant.

- Je sais que cela peut vous sembler étrange, mais je me souviens de mes actes lorsque je perds le contrôle, et je m’en voulais aussi de vous avoir malmené pour les fautes des anges de Kyoto. Car, depuis l’incident, j’ai du mal à admettre les anges autour de moi. Enfin, je le pensais jusqu’à mon arrivée ici. Aela et vous même, vous m’avez donné matière à repenser mon jugement. Je sais admettre certains anges dans mon cercle proche, des anges particuliers. Aela semble se défier des normes de son espèce comme je me défie des miens pour certaines choses. Je préfère vivre en paix et comme une compagne avec mes ‘soumis’.

Le ton d’Ishina au mot ‘soumis’ notait bien qu’elle n’aimait pas le terme, c’était quasi une insulte pour elle…

- D’ailleurs, ici, ils sont des compagnons de vie. Je sais que je vivrai plus longtemps qu’eux. Mais, si il m’est possible, je rendrai leur vie aussi agréable que possible. Ils savent tous pour mon problème intérieur. Et en ce qui vous concerne? J’ai répondu à votre question, alors, qu’attendiez-vous de cette invitation puisque vous l’avez acceptée ?

Ishina marchait à nouveau en tenant le bras de Nisis. Elles parcouraient le jardin, et ce, juste derrière le wemic.

[HJ: Je vais mettre quand même l'estampe de papa pour le cas où ^^



J'ai changé d'image depuis la dernière apparition de papa sur la V1. On voit mieux le personnage sur celle-là.]

Kerges n’avait pas raté une miette de l’histoire. Il savait maintenant qu’il n’aurait pas à craindre d’elle durant la révolte hybride si il prenait soin de lui dire ce qu’il préparait. Une bonne chose. Il ne lui restait plus qu’à trouver suffisamment de conjurés pour son projet. De plus, Nisis semblait avoir des plans qui pouvaient se joindre aux siens. Il faudrait qu’il en parle, mais pas ici, pas maintenant, ce n’était pas le moment. De plus, il préférait que les anges et les démons qui ne devaient pas être de la fête évite de savoir qui étaient les autres de cette catégorie.

- Merci pour cette explication, dame no Oni. Je comprends mieux ce que vous ressentez maintenant.

Kerges suivit le mouvement suivant de Nisis avec intérêt. Il s’amusait de la voir gifler la démone. Nisis jouait avec le feu, le feu de l’enfer même. Mais elle semblait avoir raison pour le moment…

Ishina se demandait ce que faisait Nisis. Elle allait vers Kerges, elle prit une fiole dans la crinière de celui-ci et la brisa au sol. Elle fut surprise! Que contenait cette fiole? Du poison, une drogue? Elle préférait ne pas y penser. Nisis la gifla à la volée. Les yeux d’Ishina commencèrent à flamboyer, mais ils redevinrent noirs à l’explication de Nisis. Elle venait de comprendre Fallen. Elle voulait se venger et Ishina ne comprit que trop qu’elle avait été, sans le vouloir, en étant hors d’elle-même, un jouet des Sanguirs dans l’histoire, un jouet de Vladimir Sanguir. Elle avait encore des comptes à régler avec lui! Mais d’abord, un geste qui lui échappa, elle sera Nisis dans ses bras et l’embrassa avant de prendre la parole.

- Je ne comprends que trop, j’ai servi les intérêts de Vladimir Sanguir sans le vouloir. Si vous cherchez vengeance, j’ai encore des choses à voir avec le père de famille Sanguir, mais à moins que vous n’ayez une grande force de frappe, il faudra agir contre lui seul… Je nous vois mal attaquer le manoir Sanguir à deux de face contre toute la maisonnée…

Ishina pensa vite, très vite. Elle s’écarta de Nisis et pour se laisser un temps de réflexion supplémentaire, elle passa à autre chose. Elle alla prêt de Kerges et le caressa.

- Tu comprends bien ta maîtresse, mieux qu’on ne le pense probablement. Tu fais un allier de choix pour elle. Maintenant je sais pourquoi elle t’a choisi…

Nisis embrassa la truffe de Kerges et reprit.

- Je comprends mieux tes questions et pourquoi tu les as posé. Merci, tu as évité un drame par ton seul esprit et ta seule présence.

Elle avait eu le temps qu’il fallait pour reprendre avec Nisis. Celle-ci semblait un peu impatiente du mouvement suivant.

- Je dois avouer que j’ai une inclination pour votre personne. Nous apprendrons à être des amies, j’en suis sûre et pour certaines choses, des conspiratrices, qu’en dites-vous, ma chère et belle ange?

N’attendant pas la réponse, elle reprit Nisis dans ses bras pour l’embrasser de nouveau