Louloute infiltrée [PV Shion]

Deux semaine que Chrys vivait chez les Oyada. Elle préférait prendre ses repas seule, ou plus rarement en compagnie des autres soumis quand Shion se montrait particulièrement agréable et qu'elle ne se sentait pas de lui faire l'affront de dîner seule. Elle occupait ses journées à songer à son ancienne vie, en contemplant les vêtements de chez Hallward, en faisant glisser l'étoffe sur ses doigts, ou en lisant un peu. Parfois on lui confiait des tâches et elle s'y attelait en silence, et, de plus en plus fréquemment avec le sourire. Un sourire léger, timide, mais un sourire quand même. C'était un grand progrès, dans une demeure ou les deux maîtres étaient des plum... des anges.
Elle essayait d'éviter la maîtresse de maison, trop joyeuse à son goût. Elle n'avait pas encore été réellement présentées [comme ça si tu veux me présenter Vicky] et elle préférait éviter les gens trop joyeux.

Elle voulait faire un effort, discuter avec Shion, mais elle retardait au maximum le moment où elle devrait lui faire face seul à seul. Elle passait devant la porte du bureau de l'aîné des Oyada, et y repassait par moment, mais sans parvenir à toquer.
A chaque fois qu'elle passait, elle avait l'impression que cet oeil la dévisageait, lui demandait pourquoi elle n'entrait pas, qui elle était, comme s'il la scannait. Elle pressait le pas pour arriver au bout du couloir, ayant l'impression d'être suivi du regard par cet oeil qui ne se fermait jamais.

Cet après-midi là, elle s'était arrêté devant la porte, et sans savoir si le maître était là ou non, elle regarda l'étrange symbole, approchant son visage très près de la porte. Elle essaya de décrypter l'étrange signe qui était à la porte, mais ne parvenait pas à centrer son attention sur le symbole, parce que l'oeil était là, et comme d'habitude, il la regardait.

"Cesse donc de me dévisager." gronda-t-elle à voix haute le nez toujours collé à la porte, penchée en deux dans sa belle robe de chez Hallward, celle là même que le démon lui avait fait essayer, mauve et légère...

Si le maître arrivait, de quoi aurait-elle l'air?

Shion était occupé dans son bureau, comme souvent. Il traitait des dossiers dans son antre. Chizu était partie se promener, cette après midi. Il était dans un dossier critique lorsqu’il entendu une voix se plaindre qu’on la regardait, qu’on la fixait. Shion ne reconnu pas la voix directement, a cause de l’acoustique de la pièce et de la voix déformée par la porte même. Shion quitta son bureau, sans faire de bruit, il alla à la porte et l’ouvrit. Il savait que Chryseis était derrière. Elle semblait se faire à la vie dans la maisonnée, même si elle évitait les personnes qui débordaient trop de joie ou d’enthousiasme à son goût. Il ouvrit donc et se retrouva nez à nez avec elle.

- Que se passe-t-il, Chryseis? Et qui t’observe?

Shion était dubitatif. Il finit par regarder la porte. Le symbole d’Azraël avait un œil en son centre, il représentait l’archange de la mort. Il sourit alors et comprit. Il invita du geste, Chryseis a entrer avant de parler.

- Je vois, c’est le symbole. Il a une histoire. Mais entre donc. Nous pourrons parler. J’ai eu l’impression que tu ne viendrais jamais…

Shion referma derrière eux. Il invita Chryseis à s’installer en face de lui. Il referma le dossier et marqua sa réponse à ce dernier, la demande devrait passer par le conseil communal de la cité. Shion rangea rapidement la surface du bureau. Il regarda le livre qui portait les mêmes symboles que la porte. Les symboles de deux archanges, Metatron et Azraël.

- Sois la bienvenue dans mon humble bureau. Je suis content de te voir. J’ai remarqué que tu te faisais à cette nouvelle vie. Pour cet œil qui te dérange, qui se trouve sur la porte, c’est le symbole d’un ange ancien, d’un archange pour être précis, et je suis lié à ce dernier. Mais ce serait une trop longue histoire à raconter de la sorte. Et je n’ai pas l’envie de te la communiquer par la pensée… Aimes-tu lire?

Shion se saisit du livre et en apprécia la reliure si spéciale. La seule version de l’ouvrage a contenir l’intégralité de la mémoire et à nommer les deux anges qui ont participé à sa rédaction, Remiel Gabriel qui avait écrit l’ouvrage et Shion Oyada, celui qui avait la mémoire d’Azraël en lui…

Comme prévu Chrys se sentit parfaitement ridicule et eut envie de plonger sous le parquet en se changeant en blatte au passage pour passer inaperçu et ne pas subir le regard bienveillant de l'ange qui semblait toujours tout comprendre, c'était agaçant à la fin.

"Je...euh..." commença-t-elle.

Mais elle n'eut pas à en dire plus. Visiblement Shion l'attendait depuis longtemps dans son bureau, depuis aussi longtemps qu'elle se faisait violence pour y aller visiblement. Un rendez-vous tacite, en somme.
Elle baissa la tête, un peu honteuse d'avoir fait attendre son bienfaiteur... Mais que pouvait-elle faire d'autre? Elle avait été catapulté depuis les bas fonds de Meridell, parmi la vermine et les éclopés, jusqu'à une grande maison, un immense domaine, ensoleillé et à la limite de l'utopie. Elle avait la terrible impression de ne pas être à sa place et fuyait un peu tout le monde, l'ange y compris. Elle se demanda comment lui en parler mais visiblement il n'attendait pas sur ce sujet de conversation là. Tant pis. Il tenait encore à lui parler de lui, de qui il était... visiblement il avait eu une période sombre, qui était à présent derrière lui, mais qui l'avait marqué. Au sens propre d'après ce qu'elle avait compris. Elle ne tenait pas vraiment à savoir la fin des choses, sentant que ça l'effraierai plus qu'autre chose, surtout venant d'un ange.
Elle se tut le temps qu'il range ses affaires, son bureau, appréciant néanmoins de ne pas être reçue entre deux dossiers de la ville, mais elle n'en dit pas un mot.

"Oui j'aime... J'aime beaucoup lire mais... Je ne comprends pas les mots trop longs j'ai... du apprendre à lire grâce à un ivrogne sur la table bancale d'une taverne sordide." dit-elle d'un ton amer.

Puis elle se rendit compte qu'elle se plaignait un peu trop, alors que sa nouvelle maison était des plus agréables, et que ça n'était pas ce que l'ange comptait savoir.

"Je ne suis pas sûre de pouvoir tout comprendre." conclut-elle d'une petite voix en regardant le bois du bureau avec une attention toute particulière.

Shion laissa Chryseis s’installer. Il fut ravi de savoir qu’elle savait lire, c’était un plus indéniable. Il n’aurait pas à lui apprendre, que ce soit grâce à ses dons ou à la manière ancienne. Il se saisit de l’ouvrage ou se trouvait les deux symboles et le tendit à Chryseis.

- Tiens, je te le confie. Ce livre relate bien des choses et c’est la seule copie de la ville à être véritablement complète. J’espère que tu auras la patiente de le lire. Et pour les passages plus compliqués ou les mots peu fréquents, je te les expliquerai…

Shion sourit à Chryseis. D’autres questions lui venaient à l’esprit. Il allait devoir les sortir. Ils devaient s’apprivoiser mutuellement, mais Shion aurait un plus grand travail pour qu’elle le laisse passer dans ses défenses. Elle avait trop souffert pour s’ouvrir véritablement à quelqu’un aussi rapidement, même si il se montrait agréable, et cela, Shion le savait…

- Pour en revenir au début, tu as mis du temps à venir me voir. J’espère que je n’en suis pas la cause, mais j’ai remarqué que tu nous évites soigneusement, autant que faire ce peut. Pas que moi, tous les membres de la maisonnée. Sommes-nous si étrange que cela?

Shion laissa passer un temps pour laisser Chryseis réfléchir à cette question. Il n’aimait pas se montrer trop intrusif, mais s’il fallait changer quelque chose, il ne pourrait le découvrir autrement. Il se décida a poser la question suivante. Il voulait en savoir plus sur le passer de Chryseis…

- Tu as donc appris a lire avec un ivrogne… Mais comment cela se fait-il? J’aimerais te connaître mieux…

Shion souriait toujours et il prit une décision pour cette visite… Il alla vers un meuble et l’ouvrit. Se meuble contenait de quoi boire, pas juste de l’alcool, mais aussi des choses normales. Il avait aussi de quoi faire du thé ou du café. Il prit aussi de quoi grignoter.

- Comme tu le vois, mon lieu de travail est prévu pour des visites et de longues périodes de travail… Qu’est-ce que je puis t’offrir à boire?

Shion attendait la réponse de Chryseis, mais pendant se temps, il se servit un verre de vin blanc…

Chrys prit le lourd volume entre ses mains fines. Elle passa un doigt sur la couverture, d'un air songeur. Qu'est ce que ce livre pourrait contenir... Sinon quelque chose qui lui ferait douter un peu plus fortement de son maître? Qui enracinerait sa peur? Il faisait souvent référence à son passé plutôt... Noir, et Chrys avait un mauvais pressentiment, mais elle n'en dit rien, et s'efforça de garder une expression neutre quand il lui posa quelques question.
Visiblement il décidait de crever l'abcès tout de suite quant à son comportement et son passé.
Elle se recroquevilla inconsciemment, comme pour se protéger ses questions un peu trop indiscrète, et continua de fixer le bureau pendant que l'ange lui demandait pourquoi elle ne se mêlait pas à la maisonnée...

Le silence qui suivit lui laissa le temps de trouver plusieurs pistes de réponses à ces questions mais alors qu'elle essayait d'assembler ses idées le maitre contre attaqua (tel un empire en fureur <- oh ça pourrait faire un mauvais jeu de mots) avec une question quant à son apprentissage de la lecture... Evidemment elle en avait un peu trop dit.
Shion semblait parfaitement détendu, à l'aise dans une conversation qui lui semblait important mais relativement banale... Alors que le coeur de Chrys battait la chamade, et que son esprit voguait à toute allure dans les méandres des formulations de phrase, tout à l'idée de formuler des propos clairs et lisses, ne voulant laisser aucune aspérité à l'ange pour qu'il s'y accroche, ou aucune faille pour qu'il ne s'y glisse.

"Je veux bien un thé s'il vous plaît." dit-elle d'une petite voix avant de rassembler tout son courage pour poursuivre.

"Je... Fuis un peu tout le monde, parce que la famille qui m'a recueilli est définitivement rayée de la surface d'Olmarion et... Mis à part une meute de loups avec laquelle j'ai vécu un temps, je n'ai pas de famille. Je n'ai été qu'avec des compagnons de passage, qui ont un peu profité..."

Elle s'interrompit. Hors de question de parler de prostitution, pas à un respectable notable de Meridell, il appartenait à un autre monde, pas la peine d'évoquer ce qu'elle ressentait à présent comme une gêne, une humiliation, alors que sur le moment c'était son seul moyen de se débrouiller avec ses maigres ressources.

"... Donc les grandes familles heureuses ça n'est pas pour moi. Je ne sais pas m'y intégrer. Ils m'effraient. Et pour en revenir à la personne qui m'a appris à lire..."

Elle s'interrompit à nouveau mais se força à reprendre vite fait avant que l'ange ne s'attarde sur ses propos précédents.

"J'ai vécu jusqu'ici dans des auberges sordides à mesure que je voyageais. C'est un ivrogne, hôte d'une auberge crasseuse en rase campagne qui m'a appris à lire quand il a appris au hasard d'une conversation que je n'avais pas été éduquée. J'y suis restée quelques temps, le temps d'apprendre les bases, et j'ai fini par parfaire mon enseignement seule." conclut-elle en regardant avidement la tasse de thé que le maître avait préparé, en espérant trouver un léger réconfort dans le breuvage, ou au moins dans sa chaleur (et sa contemplation, pour éviter le regard de l'ange).

Shion était à son affaire, il préparait le thé de Chryseis. Il ne la vit pas se refermer sur elle-même si tant est qu’il y en eut des signes. Il entendit donc l’histoire de sa famille. Shion ne put s’empêcher d’abaisser la tête, la tristesse de ses paroles fendit le cœur de Shion… Ainsi elle avait vécu des évènements tristes, si tristes… Il se retourna et apporta la tasse à Chryseis. En retournant s’asseoir, il posa sa main sur l’épaule de Chryseis pour lui marquer son soutient, il ne savait pas si elle le prendrait comme cela, mais il ne put retenir ce geste.

- Je comprends mieux pourquoi tu nous évite… La vie t’a plus écorchée que je n’aurais pensé… Ici, tu es dans une famille qui ne sera pas détruite ou alors, c’est que la cité entière sera détruite. Je sais que je parle de choses graves, mais c’est ainsi… Et pour ce qui est de profiter, tu auras compris que ce n’est pas le cas ici. Tu y es chez toi et ici, ta parole a autant d’importance que la mienne. Dans mes murs, tu es mon égal. Je sais qu’il est un peu obsolète de dire cela. J’ai des dons que tu n’auras probablement jamais, mais c’est ainsi, je veux que chacun dans ma maison puisse parler de sa voix et qu’on l’écoute, et tu ne fais pas exception.

Shion avait parlé dans l’intervalle entre les deux morceaux de l’explication, il s’en mordit la lèvre, il n’avait pas attendu la fin de ce qu’elle disait avant de parler. Elle avait donc peur des familles trop heureuses ou utopiste… C’était vrai que depuis le départ de Kidô et Dorian, la maison était calme, mais c’était surtout à cause du départ de Kidô, Dorian n’étant pas un grand trouble fête…

- Je comprends mieux, mais j’espère qu’avec le temps, tu finiras par apprécier la quiétude de la chose. Après tout, tu n’as pas volé un moment de paix dans ta vie, puisse-t-il durer aussi longtemps que tu le désireras.

Shion avait dit cela en conclusion à ce qu’avait dit Chryseis sur les familles. Ce fut bientôt le temps de l’apprentissage de la lecture. Elle avait donc rencontré, de temps à autre, des personnes qui voulaient l’aider. C’était une chose bien, mais Shion savait aussi qu’il y avait une contre partie et que c’est cela qui l’avait fermée. Il écouta donc attentivement. Sa maîtrise de la langue était impressionnante pour une personne ayant apprise de la sorte. Shion sourit, il n’aurait pas a user de ses dons pour lui apprendre…

- C’est impressionnant d’avoir appris de la sorte. Cet homme a eu un geste appréciable. Je ne sais pas s’il avait demandé une contre partie, mais cela est ta vie, ton jardin secret. Tu en parleras un jour si tu en as envie. As-tu… As-tu des questions comme je t’en ai posé? Je pense que tu dois en avoir, ne redoute jamais de me demander quoi que ce soit.

Shion vida son verre de vin et s’en resservit un. Il regardait Chryseis qui fixait sa tasse. Il se demanda si elle aimerait son thé. Mais c’était elle qui l’infusait a sa manière, longue ou courte…

Chrys sursauta involontairement quand Shion la toucha et faillit renverser son thé brûlant sur sa jolie robe. A peine infusé ou non, il aurait taché le joli tissu, aussi choisit-elle de récupérer les quelques gouttes de liquide sauteur à la main, quitte à se brûler.
(Et elle se brûla effectivement.)

Elle l'écouta marteler une énième fois qu'elle était chez elle et qu'on lui porterait tout l'attention qu'elle méritait, ces paroles rassurantes qu'elle avait déjà repassé plusieurs fois dans sa tête, en boucle, la nuit, au point de s'en donner le tournis... Elle voulait y croire mais rien n'était moins évident après une vie d'errance en tant que moins que rien.
Evidemment il comprenait son problème et lui souhaitait d'être heureuse mais...

Elle eut un sourire amer, quand il lui parla du "geste appréciable" de l'ivrogne qui lui avait appris à lire. Bien évidemment, il ne pouvait pas savoir que le vieux poivrot lui avait passé maintes fois les mains un peu partout alors qu'elle s'efforçait de se concentrer pour apprendre, parcourant sa géographie personnelle jusqu'aux grottes intimes sous sa robes, qui faisaient finir les leçons par des cris et une course poursuite jusqu'à ce qu'elle puisse se réfugier dans sa chambre miteuse qu'elle avait loué avec des meryls acquis par... Stop. Trop déprimant, autant penser à autre chose.
Heureusement comme il disait tout ceci était sa vie et son jardin secret. Son jardin secret... Si elle avait du en faire une représentation elle l'aurait vu mort, pourri et froid, humide, sombre et glauque, encerclé par les ronces, peuplé d'araignées et de pierres tombales fendues et renversées. Rien de bien réjouissant jusqu'à présent. Mais sa vie ici était le petit rayon de soleil qui séchait peu à peu l'humidité, forçait les araignées à rentrer sous terre et...
Elle interrompit le fil de ses pensées pour entendre les dernière paroles de l'ange.

"Non je n'ai pas de questions." dit-elle d'une petite voix.

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas d'interrogations directe quant à sa vie ici ou la vie en général chez les Oyada...
Quoique.

"Que voulez vous dire par "famille qui ne sera jamais détruite"?" demanda-t-elle timidement.

"Parce que vous êtes une race dominante?"?" demanda-t-elle d'un ton amer.

(non j'force pas sur le café.)

Shion fit la grimace lorsqu’il vit Chryseis se brûler. Il l’avait donc surprise. Ce n’avait pas été son intention. Il faisait bourde sur bourde. Il baissa les yeux et prit la parole.

- Je m’excuse, je n’ai pas voulu te surprendre.

Shion écouta en suite le bref discourt de Chryseis. Elle ne semblait pas avoir de question, Shion opina du chef. Il se demandait comment faire progresser le lien qui liait Chryseis à la famille. Shion était entrain de penser à cela lorsque Chryseis posa enfin des questions. Shion prit le temps de la réflexion, en buvant une gorgée de vin.

- Nous sommes une grande famille de la cité et nous n’avons pas vraiment d’ennemis. Je ne vois pas qui aurait un pouvoir suffisant pour venir détruire ce qui a été construit. Malgré que mes parents aillent été assassiné. Nous avons eu des temps mauvais, mais cela est passé et je sais que si on vient ici avec de mauvaises intentions, nous pourrons faire appel a des amis pour nous aider.

Shion rebut une gorgée avant de répondre à la suivante.

- La question n’est pas la nature de cette famille, angélique ou non. C’est la façon dont nous vivions, dont nous avons agi qui fait que. Je sais déjà que le chef de la rébellion des soumis apprécie ma personne, suite aux négociations. D’autres personnes, des contacts et des amis viendraient aussi. Pas parce que nous sommes des anges, mais parce que nous sommes nous, tout simplement.

Shion reposa son verre, vide, sur le bureau. Il regardait Chryseis dans les yeux, comme si elle avait, elle, la faculté de percevoir la vérité dans le regard de l’ange.

- De plus, même si je ne l’utilise que peu, j‘ai reçu une formation au combat. Père m’avait instruit ainsi du temps ou j’étais fils unique. Bien qu’il n’eût plus qu’une envie par après, c’est me chasser à cause de ce qu’il voyait comme une difformité, mon trop grand nombre d’ailes. Formation qui a été complétée si dernièrement.

Shion regardait toujours Chryseis, il sourit avant de finir.

- Mon père me voyait comme un monstre et si mes parents n’avaient pas été assassinés, j’aurais été chassé. Mes parents voulaient attendre que victoria, la plus jeune d’entre nous, comprenne pourquoi avant de le faire.

Shion avait un sourire amer en parlant de cela. Il se servit un verre de plus. Ce genre de souvenir n’était pas très agréable…

Chrys fut prise au dépourvu et ne sut que répondre. Elle ne connaissait pas l'ange qui était son maître, mais elle s'imaginait quand même... Quoi? Qu'il était bien équilibré, à l'aise en société... il parlait posément, ne s'énervait que rarement (du moins le supposait-elle, elle ne l'avait pas constaté elle même)... Bref, que c'était quelqu'un qui avait eu une vie plus ou moins heureuse, si ce n'est cette période sombre qu'il mentionnait... Mais elle était loin d'avoir tous les détails, le discours de Shion avait mis en lumière pas mal de points qu'elle ignorait. Visiblement le grand nombre d'ailes ne gênait pas qu'elle, et il avait eu quelques problèmes au sein même de sa famille. Famille qui avait été en partie décimée puisque ses parents à lui aussi avaient été assassiné. Par qui et pourquoi, ça n'importait guère.

Ce qui ressortait de tout ça c'était qu'il était aussi écorché par la vie que Chrys, maître ou non, race dominante ou non. Elle ne connaissait pas cette rébellion des soumis et ça ne l'intéressait que partiellement: bien qu'elle eut voulu être libre et ne plus avoir à rendre de compte à un maître, elle ne se sentait pas de mettre la patte à l'engrenage d'un dispositif qui pourrait s'avérer violent.

Son sourire était amer quand il parla de ses parents. Et cette Victoria, c'était sa jeune soeur avec laquelle il avait conçu des enfants... Elle frissonna. Quelle idée, de... D'avoir ce genre de relations avec sa propre soeur, c'était écœurant, vraiment.
Elle se recroquevilla une fois de plus sans même y penser.

"Je comprends mieux certaine parties de votre histoire." dit-elle néanmoins avec douceur.

Ceci dit elle avait du mal à comprendre un homme qui s'étalait autant alors qu'elle construisait des barrières pour protéger sa propre histoire des intrusions. Ne lui avait-il pas dit dès le début qu'il était... Elle ne se rappelait plus exactement, mais il lui avait déballé un pan important de sa vie personnelle dès leurs premiers échanges. Etrange, vraiment, songea-t-elle en le sondant du regard, avant de détourner les yeux comme si elle s'était brûlée.

Shion ne savait trop que faire. Plus il parlait, moins Chryseis se sentait à son aise. Il ne savait trop que faire. Il se laissa donc aller. Il regarda le bureau et attendit un moment. Il reprit un peu ses esprits.

- Je m’excuse, je n’arrive pas a te mettre à l’aise… J’en suis incapable, apparemment… Je ne sais que faire pour cela. Je ne peux pas faire grand chose de plus… Tu es une blessée de la vie, comme j’en suis un. Je pensais que nous nous comprendrions, mais je ne sais pas si c’est possible. Je l’espère du fond de mon être… Pas pour moi, pour toi, pour que tu puisses vivre différemment de ce que ta vie a été.

Shion laissa retomber sa tête, l’appuyant sur ses mains… Il repensait à sa vie passée, les blessures, les coups en traîtres des parents, les blessures infligées par père pendant l’entrainement, les coups que lui ont donnés ses frères, sa lutte pour sa sœur, les passages ou Azraël l’étouffait pour prendre le contrôle. Tout cela vint se mélanger et une larme roula de la joue de l’ange sur le bureau… C’était la première fois qu’il repartait tant en arrière dans ses souvenirs, comme si le présence de Chryseis avait ouvert un barrage dans sa mémoire…

Chrys eut un mouvement de recul en voyant l'ange... s'effondrer? C'était étrange. Elle n'aurait pas pensé qu'un ange comme lui pourrait s'abandonner si facilement aux mauvais souvenirs... Bati comme il l'était il lui donnait une impression de stabilité et de sécurité... Mais finalement il était comme elle en proie aux mauvais souvenirs. Même si en ce qui la concernait, c'était surtout lui qui lui rappelait des mauvais souvenirs, alors qu'elle était tout à fait étrangère à la tristesse qui lui serrait le coeur.

Elle se leva néanmoins en voyant scintiller une larme de tristesse sur la joue de l'ange. C'était trop pour elle, elle n'aimait pas faire mal aux gens, ni les voir pleurer, pas même un ange, pas cet ange là qui faisait tant de choses pour elle. Elle se posta près de lui, accroupie (elle n'osait pas rester debout, surplomber un maître, et au moins comme ça elle ne voyait pas trop ses ailes pleines de plumes) et lui prit sa main dans les siennes.
Elle leva un visage grave vers lui, où on lisait la peur, certes, mais aussi une certaine compassion.

"Je suis désolée je ne voulais pas vous peiner... Je crois que j'ai fait remonter un peu trop de souvenirs douloureux chez vous, alors qu'à présent vous avez tout fait pour avoir une vie équilibrée. Pardonnez moi." dit-elle sans détourner ses yeux jaunes.

Shion était encore dans ses pensées, il ne remarqua Chryseis que lorsqu’elle lui prit la main. Il avait tant de souvenirs qui refluaient en lui parce qu’elle était là, mais ce geste, celui qu’elle venait de faire brisa le déversement. Il la regarda. Elle était là, simplement. Elle exprimait ce qu’elle ressentait en ce moment même, la première déclaration ouverte qu’elle faisait. Shion essuya cette larme du revers de sa main. Il la regarda dans les yeux, il n’avait plus la tête appuyé sur les mains, mais il ne bougeait pourtant pas la tête.

- Tu n’as pas à t’excuser, mais ton histoire à fait remonter des choses que je pensais avoir laissé dans un coin de ma mémoire… Ca serait à moi de m’excuser… Tu devais t’imaginer que j’étais solide comme un rock, mais ce n’est pas le cas, loin de là. J’ai des plaies qui ne se refermeront jamais, probablement. Et je me doute que tu en as ton lot aussi. Ma vie est comme elle est. J’aime cette vie et l’équilibre qu’elle m’apporte, c’est vrai, mais il y a plus important que mon équilibre personnel. Il y a celui de chacune des personnes de la maisonnée…

Shion se mettait souvent de coté ou oubliait volontairement ce qu’il devait faire pour lui pour aider les autres et tenter de les garder heureux, mais ce pari ne l’aidait pas toujours. Il savait qu’il devrait se trouver lui-même, mais bien souvent, il n’en avait pas la force et voulait laisser le passer où il était…

- Merci Chryseis…

Shion ne rajouta que cela après un moment de silence entre eux deux. Shion la regardait toujours dans les yeux. Il exprimait toute la gratitude qu’il avait pour ce simple geste et les paroles qu’elle avait dit…

Chryséis rougit jusqu'aux oreilles simplement pour le "merci". Elle ne s'en rendit pas compte, bouleversée qu'elle était par les paroles de l'ange. Elle n'aurait jamais cru qu'il s'ouvrirait comme ça et qu'il lui ouvrirait son coeur au point d'en pleurer. Elle avait imaginé maintes et maintes fois cette entrevue, et elle avait à chaque fois opté pour une vue où le maître serait comme toujours souriant et rassurant, où elle aurait été rassurée une énième fois.
Au lieu de cela elle l'avait rendu triste, et elle l'avait rassuré... Elle ne s'attendait pas à ça, dans toutes les fois où elle avait fait la scène seule dans son lit, en se demandant comment elle réagirait à un énième sermon sur sa place ici et le fait qu'elle avait sa place dans la maison.

Elle se releva comme par automatisme, et passa ses bras autour des épaules de Shion et le serra contre elle, en posant sa tête sur celle de l'ange, sans réfléchir, comme elle l'aurait fait pour un enfant qui serait tombé dans la rue sous ses yeux, un petit chiot qui se serait foulé une patte ou un amant qui épancherait sa peine... Son coeur battit un peu plus vite et elle se força à penser au petit chiot..

Elle n'osa plus bouger.

Chrys avait le coeur qui battait la chamade. Son référent, ce roc qui était en train de pleurer... Il pleurait silencieusement, mais il en avait visiblement gros sur le coeur. Elle le sentait triste, peut-être un peu perdu...
Mais d'une certaine manière elle sentait que Shion se libérait. Que les larmes qui coulaient par ses yeux n'étaient pas composé d'eau et de sel mais du poison qui lui enserrait le coeur. Et que si elle le laissait pleurer, il finirait par se sentir mieux.
Elle le berça un peu, en murmurant des paroles qui se voulaient rassurantes. Des paroles sans signification réelle, mais douces, murmurées en un babil incessant qui avaient pour but pour le calmer, l'endormir un peu... Le bercer, quoi.

"Pleurez, vous irez mieux après." dit-elle plus intelligiblement entre deux murmures.

Elle le serra fort, et se mouilla de quelques unes de ces larmes, mais peu importait, finalement.
Peut-être que demain elle raserait à nouveau les murs en le croisant mais pour le moment elle se sentait bien ici.

Les larmes finirent par se tarirent, et la paix revenir dans le cœur et l’esprit de Shion. Chryseis avait été là, comme personne d’autre avant pour les douleurs et les meurtrissures de son cœur. Il savait que cela venait du fait qu’elle aussi cachait des blessures graves en elle. Shion resta encore contre elle. Simplement pour ressentir cette chaleur, cette compassion qui émanait d’elle, alors qu’il savait qu’elle avait les anges en horreur… Puis, doucement, il rouvrit les yeux et parla.

- Merci pour tout, Chryseis… mon cœur et mon âme avaient besoin de retrouver leurs calme et au risque de te choquer, tu es la première personne avec qui je trouve la force de laisser ces larmes couler…

Shion savait qu’il avait encore des blessures en lui, mais le temps devait faire son œuvre aussi. Il était le plus triste des membres de la maisonnée, en dehors de Chryseis, songea-t-il. Il avait donné une image différente des anges qu’elle avait du connaître, mais les anges étaient aussi de la chair et des os, ils avaient des sentiments et des intuitions… Shion se rappelait sa rencontre avec Chryseis, à l’antre… Il continuait de se demander pourquoi ce choix, qu’avait-il vu inconsciemment…

Chrys resta interdite en entendant que malgré sa proximité toute neuve avec l'ange, il ne s'était pas laissé aller à alléger son coeur devant quelqu'un d'autre qu'elle, malgré la fratrie, malgré sa proximité avec sa chère soeur.
Elle se sentit flattée de l'importance qu'elle avait devant son nouveau maitre. Elle n'osait croire ce qu'elle entendait.

Etait-ce là la preuve d'une nouvelle relation qui se formait au fil des mots avec Shion? Elle était un peu bouleversée par tout ça, c'était elle qui était en position de faiblesse à un moment, et l'instant d'après avec juste une question elle avait dissipé sa bonne humeur et l'avait plongé dans cette tristesse insondable.
Elle se sentait tellement responsable et désolée... Elle n'était pas responsable des malheurs de Shion mais elle avait provoqué ce déferlement de mauvais souvenirs.

"Je suis désolée d'avoir fait remonter tout ça." dit-elle.

"Je sais que ça doit vous faire du bien en un sens, mais je suis quand même désolée que vous pleuriez." continua-t-elle sans bouger.

"Je n'aime pas ça." dit-elle dans un murmure plus pour elle que pour son maître.

Shion était libéré, il se sentait avec un poids énorme en moins. Ce fut encore Azraël pourtant qui vint à parler, a livrer sa sagesse à travers les souvenirs qu’il lui avait laissé. Mais alors que le souvenir voulait venir, Shion se demanda comment Chryseis prendrait cette personne qui avait vécu en lui et qui était parti…

- Une fois que vous serez en paix, mes frères, vous saurez pourquoi vous avez fait vos choix les plus étranges, les plus troubles… La clarté de vos gestes apparaîtra alors et vous saurez que celui qui vous a aider, c’est le Père…

Shion ne connaissait le Père que par les souvenirs d’Azraël, mais il ne pouvait pas nier une sorte d’intervention inconsciente… Et il sut qu’il avait vu en Chryseis, une image de ce qu’il avait été… Une personne blessée comme lui, une personne qui pourrait le comprendre mieux que quiconque et avec qui il pourrait avoir une complicité tout autre que ce qu’il connaissait jusque là… La voix de Chryseis le sortit de ses pensées, de ce souvenir étrange… Il avait parfois des souvenirs qui venaient, comme cela, pour l’aider, semblait-il… Mais comment savoir réellement… Peut-être Azraël, de retour dans les éons, tentait de l’aider, lui, lui qui était aussi l’archange de la mort, un version mortelle de l’archange de la mort.

- Ne t’excuse pas, tu ne pouvais pas deviner que mes souvenirs allaient envahir ma pensée… Oui, je me sens apaisé comme je ne l’ai plus été depuis un siècle… Ta présence est une bénédiction… Et les larmes qui sont sorties le devaient et pour cela, je te suis reconnaissant, sans ta présence, je n’aurais pas pu perdre ce poids de mes épaules.

Shion ne bougeait pas d’un cil, il entendit la phrase qu’elle prononçait comme pour elle-même, mais il ne put dire qu’une chose en l’entendant, ne sachant pas retenir celle-ci.

- Pardonne moi, je ne voulais pas t’importuner, mais je ne sais pourquoi, je sais que tu comprends cette douleur, et je ne sais pas l’expliquer… Une intuition…

Shion referma les yeux et se blottit, comme l’enfant qu’il n’était plus depuis longtemps. Comme l’enfant que ses parents ne l’avaient pas laissé être…

Chrys garda l'ange contre elle un moment. Il semblait avoir besoin de ce contact, d'une étreinte féminine, et elle avait l'impression d'être un substitut maternelle. Drôle d'idée que d'être ce genre de personne pour un représentant d'une race qu'on hait, mais... C'était en effet ce qu'elle ressentait. Elle caressait ses cheveux sans y penser, de manière intuitive, sachant ce qui détendait les gens en proie à des tourments, quels gestes adopter face à ceux qui demandaient du réconfort...
Finalement, au bout d'un moment, après une dernière caresse dans la crinière de l'ange, elle se détacha de lui, un peu anxieuse. Pourquoi avait-elle eu ce réflexe... Elle n'aimait pas voir les gens souffrir, pleurer, être triste. Mais maintenant que tout ça était passé elle préférait s'écarter et se retirer, elle sentait qu'elle avait fait... Pas tout à fait un geste déplacé, mais qu'elle était allée trop loin.

Après ces paroles réconfortantes elle ne pouvait plus s'excuser, alors elle se tut. Elle se posa près de sa chaise, mais sans s'asseoir. Elle resta debout, indécise. Que faire, s'en aller maintenant et briser cet espèce de lien, ou rester et... Peut-être... Se retrouver encore dans une situation embarrassante... Mais elle sentait qu'il voudrait qu'elle reste encore un peu. Elle espérait ne pas se tromper et ne pas le plonger lui aussi dans l'embarras qui lui rougissait les joues.

"C'est peut-être pour ça que vous m'avez prise, à l'antre." répondit-elle a la mention d'intuition qu'avait l'ange.

Shion sentit Chryseis se déplacer. Il rouvrit les yeux et se redressa. Il avait les yeux rougis, mais son esprit était calme, en paix. Il regarda Chryseis se remettre en place. Elle ne s’assit pas. Il se demanda si elle voulait partir… Mais si elle le voulait, pourquoi restait-elle? Shion sentit qu’il avait encore une chose à dire, à faire… Il voulait que ce lien de se brise pas, ne se rompe pas… Mais il ne savait de quoi demain serait fait… Il allait mettre encore une fois son âme à nu… Shion entendit la réflexion de Chryseis et il savait qu’elle avait raison, au fond de lui, il le savait, mais il ne savait d’où venait cette certitude.

- Oui, c’est cette intuition, mais je ne l’explique pas, peut-être un geste de mon inconscient… Comme si on fond de moi, j’avais su ce que tu avais vécu et le parallèle qu’il y avait entre nos deux histoires, et le fait, que nous pourrions nous comprendre, mieux que d’autres… Je pense que nous nous comprenons, à un niveau autre… J’aimerais que nous reparlions, comme aujourd’hui, mais de choses et d’autres, et le plus souvent, de ce qui nous tient à cœur… et pas comme tu parlerais à un maître, je n’en suis pas un…

Shion se leva et fit le tour du bureau, allant en face de Chryseis. Il la prit dans ses bras et l’embrassa sur le front.

- Merci… Merci de ta compréhension, mon amie…

Shion la regarda en suite, espérant croiser son regard…

Chrys sourit, timidement, mais elle sourit sincèrement.

"Je sais que vous n'êtes pas un maître."

Et c'était vrai. Cette histoire de rébellion de soumis etc. n'avait été qu'une précision qui allait dans le sens de ce qu'elle savait déjà. Ce partage à l'instant n'avait que trop bien scellé ce sentiment qu'elle avait depuis qu'elle était sortie de l'antre.
Elle se laissa faire quand Shion l'enlaça, trop fatiguée par les émotions, comme vidée émotionellement, trop boulversée. Trop de sentiments d'un coup, et plus rien à quoi se raccrocher par la suite.
(et la Vicky arrive et BLAM)
Elle se laissa faire bien que le contact humain... Pas qu'elle n'aimait pas mais quand on était habituée à se faire payer pour ce genre de chose, on n'aimait pas forcément avoir un homme contre soi... quoiqu'un contact désintéressé c'était... Rare et précieux.
Quand l'ange l'appela "mon amie" elle se laissa aller à l'enlacer aussi.
Elle n'avait jamais eu de vrais amis. Ils finissaient tous par avoir un chemin divergent au gré des voyages... Mais cette fois ci elle était ancrée.

Shion sourit faiblement, lui aussi. La joie n’était pas moins grande, mais pour le moment, il était encore à se demander pourquoi Azraël, enfin, la mémoire de ce dernier, semblait vouloir le guider, l’aider. Il se pencha et mit son front en contact avec celui de Chryseis.

- Quelqu’un a dit un jour qu’un début était toujours un moment délicat, précieux à bien des égards… Je pense que nous venons de vivre ce moment…

Shion la garda contre lui encore un petit moment avant de rompre son étreinte avec elle. Il se retourna vers le bureau et prit le gros livre pour le lui tendre.

- Je te confie cette part de moi… Les deux premiers chapitres parlent plus de ce que ‘ai vécu. Le reste, ce sont des souvenirs de l’histoire…

Shion sentait que Chryseis allait repartir, quitter le bureau. Shion savait que la visite touchait à sa fin, mais maintenant, il était certain qu’elle reviendrait. Elle éviterait probablement encore les autres, mais pas lui… Du moins, l’espérait-il…

Chrys frémit au contact de l'ange. Décidément il était très... Enfin, il aimait le contact physique. Et ça commençait à faire beaucoup pour la louve. Il lui sembla que le contact avait été rompu quand elle avait desserré son étreinte, et maintenant qu'il revenait vers elle, cela la mettait mal à l'aise.
Mais il se détacha de lui même après une parole, qu'elle méditerait sans doutes plus tard, et il lui tendit le livre pour lequel elle était plus ou moins venue, à la base.
Elle saisit le lourd volume, qui lui faisait déjà mal au bras. Elle ne le lirait pas au lit celui là mais sur une table, ça commençait déjà à être trop pesant.

"Je peux le garder le temps de le lire ou je dois le lire à un endroit précis?" demanda-t-elle néanmoins.

Parce que dans la chambre j'risque d'avoir des poils de Kelek partout
Elle attendit la réponse avant de décoller des lieux avec un certain soulagement. Elle se changerait en animal, et irait se reposer à l'ombre d'un arbre du domaine pour évacuer cette tension qu'elle ressentait malgré les gestes attentifs de l'ange.

Shion était déjà pensif, pratiquement dans ses souvenirs. Il était pourtant toujours attentif. Il vit que le livre pesait dans les bras de Chryseis. C’était vrai que l’ouvrage était des plus impressionnants, surtout que c’était l’original, qu’il avait fait relier. Le livre était manuscrit, écrit de la main de Gabriel Remiel. C’est alors que vint une question. Shion la regarda et répondit, sans la moindre hésitation.

- Ce livre ne quitte pas mon bureau, habituellement. Mais j’ai confiance, prends-le et lis le à ton rythme, mon amie. Et si à un moment donné, tu t’interroges sur ce que tu lis, viens me trouver, j’aurai toujours du temps pour toi, mon amie.

Shion la laissa partir, l’embrassant une dernière fois sur le front. Il retourna en suite à son bureau, mais pas pour travailler, pour réfléchir a ce qui venait de se passer, et laisser ses émotions couler. Il ne voulait pas recommencer à travailler, mais profiter encore de ce qu’il venait de ressentir…

Elle lui sourit une dernière fois, un peu nerveusement, et prit le livre sous son bras, d'un air vaillant.

"J'en prendrai grand soin." dit-elle avec douceur.

La perspective de sortir du bureau la soulageait tellement qu'elle accueillit le dernier baiser de Shion avec le même sourire, et s'inclina légèrement (pas trop, pas qu'il croie qu'elle le considère toujours comme un maître, même si c'était le cas, certaines idées avaient besoin de temps pour faire leur bonhomme de chemin).
Elle sortit silencieusement, laissant l'ange à ses idées, ses travaux divers, et une fois dehors, elle entama le geste de fermer la porte derrière elle, mais avant que les deux panneaux de bois entrent en contact, elle la rouvrit sans un bruit avant d'ajouter:

"Si vous me cherchez je serai sans doutes dehors, sous un arbre, j'aimerais prendre l'air."

Puis elle ferma la porte sans un bruit, adressa une dernière grimace aux symboles sur la porte, et s'en alla de son pas feutré remiser l'ouvrage dans un placard sûr, avant d'aller se baigner de soleil et s'ébouriffer les poils par une longue course autour du domaine.