Un nouvel arrivant... [PV Venezziano Nicolini]

Emmanuel profita de ce samedi matin pour faire une grasse matinée bien méritée après la semaine de travail harassante qu'il venait d'avoir. Se blottissant confortablement dans ses oreillers, il ferma les yeux et profita du chant d'un merle qu'il entendait à travers sa fenêtre entrouverte. Qu'est-ce qu'il pouvait bien aimer les samedi matins ! Même s'il lui arrivait fréquemment de travailler dans l'après-midi, il mettait un point d'honneur à s'octroyer ce petit luxe.

Lorsqu'il estima qu'il avait suffisamment profité de sa couverture à plumes d'oie, il consentit à s'étirer et à mettre les pieds hors du lit. S'ébouriffant des cheveux qui l'étaient déjà, il portait un vieux t-shirt gris délavé et déformé sur un pantalon en coton noir tout aussi déformé. Se traînant jusqu'à sa cuisine, il sifflota tout en se préparant du café et un véritable petit-déjeuner de roi composé d'oeufs brouillés, de bacon, de saucisses, de tartines grillées au beurre et de jus d'orange frais.

Aaaah comme il aimait sa tranquillité du samedi matin !!

'Ding Dong !'

Emmanuel sursauta, un oeuf cassé à la main. Il prêta l'oreille et se convainquit qu'il avait dû faire erreur ou qu'un petit jeune s'était amusé à tirer les sonnettes. Reprenant sa cuisine, il versa ses oeufs dans une poêle et les touillait quand la sonnerie de son appartement retentit à nouveau. Il maudit l'intrus persistant qui s'invitait à son petit-déjeuner. Néanmoins, il réduisit le feu, prit un torchon et dévala les escaliers qui menaient à l'entrée de sa boutique, qui était aussi l'entrée de sa maison.

Par la porte vitrée, il aperçut une tête blonde qu'il n'avait encore jamais vu.

*Qui ça peut être ?* se demanda-t-il en allant ouvrir.

"Je peux faire quelque chose pour vous ?" demanda-t-il sur un ton poli mais qui laissait tout de même deviner qu'il n'avait pas que ça à faire d'aller ouvrir aux inconnus un samedi matin alors que ses oeufs cuisaient à l'étage.

Venezziano dansait d'un pied sur l'autre, mal à l'aise, en attendant que ce monsieur cousin de maître Gabriel vienne lui ouvrir... Son maître lui avait dit qu'il avait toute confiance en ce type, mais il ne le connaissait pas vraiment, aussi Venezziano était il nerveux de faire face à un parfait inconnu. Maitre Gabriel lui avait dit de ne pas s'inquiéter, alors il s'était forcé à ne pas s'inquiéter et à réprimer ses tremblements au moment de poser son index sur la sonnette qui indiquait "Emmanuel Remiel" mais il ne parvenait pas à ôter ce poids de sa petite poitrine.

Néanmoins, pendant ce laps de temps entre le moment où il avait appuyé sur la sonnette (ding-dong!) et celui où le monsieur était venu ouvrir, une délicieuse odeur avait envahi les narines du ventre sur pattes.
Une odeur familière! Enfin, pour Ven, toutes les odeurs de nourriture étaient familières. Mais celle ci était bien douce à ses narines frémissantes. L'odeur du beurre qui fond en crépitant au fond d'une poêle à frire, laissant une trace grasse à souhait, dansant sur le fond de l'ustensile pendant que sa masse diminue à mesure que la délicieuse odeur se répand et... Quelque chose qui frit par dessus. Quelque chose qui sent bon, mais qui étouffe presque l'odeur du beurre. Au nez de Venezziano, il n'y a rien qui a cette odeur et qui peut recouvrir totalement le fond d'une poêle, sinon des oeufs moelleux... De bons oeufs bien jaunes qui blanchissent au contact même de la poêle, avant de faire des petites bulles qui crèvent avec un bruit de fuite d'air, graou! Les oeufs à la poêle, un des mets préférés de Venezziano, sans assaisonnement, juste le temps de les admirer, luisant à la lumière du jour, avant de les engouffrer avec un peu de jambon.

Il fut interrompu dans ses songes culinaires par l'homme qui se tenait devant lui avec un air interrogateur. Il n'eut même pas le temps d'avoir peur, qu'il se faisait déjà poser des questions. Comment lui expliquer, sans se faire taper dessus, en espérant avoir un peu d'oeuf, que son maître Gabriel le confiait à cet homme, qui devait savoir quelle lourde charge c'était d'avoir des soumis?

Les larmes aux yeux, en panique, Venezziano balbutia quelques mots.

"Mai...Maitre Gabriel, il est... Il est parti et, et, et, et il m'a dit de venir vous voir parce que j'ai plus de maître maintenant et j-j-j-je suis t-t-t-tout seul!" dit il en éclatant en sanglots.

C'était dur de penser que Maître Gabriel était parti, mais de le formuler à voix haute, c'était carrément insoutenable.

Lorsqu'Emmanuel croisa le regard plein de panique de Venezziano, il comprit que quelque chose n'allait pas. Fronçant légèrement les sourcils, il se demandait ce que ce jeune humain faisait seul ici un samedi matin. Son sang se figea dans ses veines à l'évocation du prénom de son cousin et il battit des cils plusieurs fois quand il lui expliqua la raison de sa venue.

Le voyant éclater en sanglots, Emmanuel fut pris de court avant d'être pris de pitié. Apparemment, le jeune homme qu'il avait en face de lui faisait partie de ces soumis qui ne savent vraiment plus quoi faire une fois livrés à eux-mêmes. Il se demanda pourquoi son cousin ne l'avait pas emmené avec lui mais cette interrogation s'envola rapidement pour laisser la place à de l'inquiétude pour ce petit être si malheureux.

"Ne pleure pas ! Viens, entre." fit-il en s'écartant de l'entrée pour le laisser passer.

Une fois à l'intérieur, Emmanuel referma la porte et alla chercher un mouchoir sous son comptoir qu'il tendit à Venezziano.

"Tiens et s'il te plaît, ne pleure plus, ça me rend mal à l'aise..." lui dit-il avec un petit sourire embarrassé.

"Alors, tu étais le soumis de Gabriel et il n'a pas pu te prendre avec toi, c'est bien ça ?... Est-ce qu'il a laissé un mot ou quelque chose pour moi ?" demanda-t-il.

Venezziano entra quand le jeune homme s'effaça pour lui laisser la place. Il commença à sécher ses larmes avec le revers de sa manche, mais finalement monsieur le cousin lui ramena un mouchoir qu'il accepta avec un sourire radieux malgré les larmes qui coulaient encore sur ses joues. Il essuya ses joues et tamponna ses yeux. Quel mauvais soumis, pour quoi passait maitre Gabriel dans l'histoire, à refiler un soumis pleurnichard à un membre de sa famille? Il devait faire honneur à maitre Gabriel et se conduire comme un homme, enfin è_é.

"Pardon." balbutia-t-il au jeune homme.

"Je m'appelle Venezziano Nicolini monsieur, mais maitre Gabriel n'a rien laissé pour vous, il a du partir précipitemment et m'a juste dit de venir chez vous et euh, de vous prévenir que je suis un ventre." dit-il en tout honnêteté et en toute candeur.

Evidemment l'appétit de Venezziano était un peu... Hors norme pour un petit humain tout sac d'os qu'il était, mais tout le monde, de l'orphelinat à la maison de maitre Gabriel, en passant par le local à humain où il avait été vendu trouvait qu'il mangeait beaucoup. Ses petits camarades l'avaient souvent gratifié de surnoms comme "Ventre sur pattes", "Goinfre", "bouffe-tout" ou plus récemment "jambon" (Tsu si tu passes par là XD).
Donc il lui semblait que c'était important de le mentionner, le tout avec un grand sourire tout plein de dents.