[suite de la première journée d'Arthur chez le merveilleux Archi]

En haut d'une autre fournée d'escalier se trouvait le petit nid douillet d'Archibald Hallward, grand couturier de Meridell.
Il ouvrit la porte avec un air théâtral, et entra dans l'appartement.
Un rideau de velours fermait l'accès à la porte. Dans le couloir principal, une tapisserie dans les tons verts, à rayures, dans le style victorien. De chaque côté des pièces, qu'Archi fit rapidement visiter.

"Alors voyons... Ici nous avons le salon"... commença-t-il en montrant une pièce assez agréable, avec d'énormes fauteuils et un canapé en velours rouge foncé, une cheminée, du parquet au sol et du papier peint dans ces mêmes tons rouges, avec des tapisseries médiévales tendues ça et là. Une table basse ronde en bois massif et un vieux piano faisaient également partie du mobilier, au milieu des commodes et autres bibliothèques.

"Par là la cuisine..." continua-t-il en désignant une pièce fonctionnelle, avec four, plaques de cuisine, une table au milieu et un petit bar avec deux tabourets, bien éclairée par une grande fenêtre.

"Et enfin la salle de bain et nos chambres." dit-il en montrant l'une et l'autre.

La salle de bain, carrelée à dominance bleue était classique. Une baignoire, un lavabo, les toilettes, quelques meubles.

La chambre d'Arthur se composait d'un simple matelas à même le sol avec le lit fait, une armoire et une petite table de nuit.
Celle d'Archi en revanche disposait d'un lit à baldaquin, de la même tapisserie chargée du couloir, de meubles richement ouvragés, et d'un autre bureau comme celui de son atelier.

"Ta chambre est un peu... Nue, mais que veux-tu, j'ai pris la décision de... Prendre quelqu'un avec moi récemment, et je n'ai pas trop eu le temps de m'occuper des problèmes logistiques." dit-il avec un grand sourire.

Retenant son souffle, Arthur suivit Archibald à l'intérieur de son appartement. Il se détendit relativement vite. Si la décoration n'était pas tout à fait à son goût, il s'était attendu à tellement pire qu'il fut soulagé de ne pas découvrir de la dentelle et des noeuds accrochés un peu partout... Il nota immédiatement la présence du piano dans le salon. Il se rappelait que sa mère adorait cet instrument et avait appris à en jouer lorsqu'elle vivait encore avec ses parents. Mais leur ancien maître n'avait pas d'instrument et Arthur avait dû se contenter de voir sa mère pianoter un bout de table en chantant elle-même les notes. Maintenant, il était assez curieux d'entendre pour de vrai cet instrument qu'il n'avait vu jusqu'alors qu'en gravure.

Il suivit Archibald à travers le reste de la maison et ne put cacher sa surprise en découvrant sa chambre.

"Je... Je vais dormir ici ?" demanda-t-il d'un air sincèrement surpris.

Comme Archibald confirmait, il osa entrer dans la chambre mais se contenta de rester sur le seuil. Quand il songeait à l'endroit où il dormait du temps de son ancien maître... Il frissonna et se tourna vers Archibald. Inclinant légèrement la tête, il garda les yeux baissés lorsqu'il dit, sur un ton très formel :"Merci."

[hey, Lockhart =/= Ombrage XD]

Arthur avait l'air surpris de devoir dormir là dedans. Bon d'accord le mobilier était plus que sommaire, mais Archi n'avait-il pas promis des améliorations?

Ou alors était-ce l'idée de dormir comme quelqu'un de civilisé qui l'étonnait?
Archi n'aimait pas le conflit. Déjà parce que généralement il perdait, que ça pourrait lui casser un ongle, mais surtout qu'il aimait la paix, et que quitte à se battre, il préférait le faire sur un podium pour des créations plutôt qu'avec un ivrogne au coin d'un bar.
Et puis bon, pour bien vivre, autant vivre en égaux plutôt que de maintenir les gens sous pression, ce qui était plutôt usant à la longue, et pour tout le monde.

Arthur en avait la chair de poule visiblement. Son merci était... Formel, mais sincère. C'était déjà ça.

"Bien sûr tu pourras arranger ta chambre à ta convenance." dit-il avec un sourire chaleureux pour réchauffer son soumis frissonnant.

"Tu es ici chez toi, tant que tu ne me mets pas de caillon partout." conclut-il en tournant les talons.

"Allez, à la cuisine!" lança-t-il en partant vers le lieu en question.

[tu voulais vraiment dire caillon ? si oui, je viens d'apprendre un nouveau mot ^^]

Arthur haussa les sourcils quand Archibald lui précisa qu'il pourrait arranger sa chambre comme il le voudrait. C'était vraiment très étrange. Plus ils avançaient, plus Arthur avait l'impression d'avoir été embauché par un égal plutôt que d'avoir été acheté par un démon. Il était assez perturbé et se demandait si les démons avaient évolué depuis qu'il était parti ou bien s'il avait eu une chance incroyable et était tombé sur le plus "sympathique" d'entre eux.

Mais pour le moment, il demeurait méfiant. Il ne savait toujours pas ce qui se tramait dans l'esprit d'Archibald et il aurait tout aussi bien pu vouloir lui donner confiance pour mieux se servir de lui par la suite. Néanmoins, et malgré son aspect rustre, Arthur avait de plus en plus de mal à rester sur la défensive. Du moins sur une défensive agressive...

"De caillon ?" répéta-t-il d'un air sceptique.

Il suivit néanmoins Archibald jusqu'à la cuisine et y entra. Il regarda autour de lui et attendit d'éventuelles instructions de la part de son maître.

[Oui xD mais j'le trouve nulle part écrit comme ça. Je l'ai jamais utilisé qu'à l'oral]

Archi s'assit à la petite table au milieu de la cuisine.

"Oui enfin du cirque, du bazar, du bordel, pour parler crûment. En gros je ne tiens pas à ce que mon appartement ressemble à un champ de foire. En dehors de ça tu peux faire à peu près ce que tu veux. Je ne suis pas du genre à imposer des règles de vie strictes et contraignantes à mon serviteur. C'est usant pour celui qui ordonne et celui qui obéit, je trouve." dit il avec un geste de la main comme s'il chassait un moustique ennuyeux.

Puis il plaça ses deux poings sous son menton pour qu'ils lui servent à appuyer sa tête bien trop pleine d'idées de génie qui pouvaient la faire chuter en avant sous le poids des créations futures.

"Il y a du frais là dedans." dit il en désignant le frigo du menton avec un grand sourire.

"Et des glaçons si je ne m'abuse."

[Edit: je viens de vérifier dans mon dico de Lorrain, c'est du Lorrain, donc t'as appris un nouveau mot Lorrain XD]

[oui lol mais quand j'ai regardé sur internet, j'ai trouvé ça comme définition : Bonnet, dans l'Indre-et-Loire.
Les magistrats, en faisant une perquisition dans votre maison, ont trouvé caché dans le lit de la boulangerie le caillon, coiffure que votre femme portait le jour de sa mort. [Gazette des tribunaux]]

Arthur comprit mieux ce qu'Archibald voulait dire par "caillon". De ce côté-là, il n'aurait aucun souci à se faire. L'humain était du genre ordonné, à défaut d'être un vrai maniaque. De plus, il ne comptait pas accumuler beaucoup de choses, il n'était pas attaché aux objets et n'aimait pas s'embarrasser de choses qu'il jugeait inutiles. Mais une fois encore, il eut du mal à cacher sa surprise quand Archibald insista qu'il n'avait pas beaucoup de règles à lui indiquer, à part celle de respecter l'environnement qu'il avait créé et qu'il entendait laisser comme tel.

"C'est bien." dit-il presque sans s'en rendre compte.

Il alla vers le frigo que lui désignait Archibald et l'ouvrit. Il y avait beaucoup de jus de fruit différents et des sodas. Se retournant vers le démon, il lui demanda ce qu'il souhaitait avant de prendre une bouteille de jus de pomme pour lui-même. Il attrapa des glaçons et sur les indications de son maître trouva deux verres. Posant tout ça à table, il s'assit.

"Je me demandais... Est-ce qu'il y a une loi ou autre chose qui est passée récemment ?... Je veux dire sur la manière de traiter son soumis." demanda-t-il.

Il s'était finalement décidé à poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes auparavant. Il avait du mal à imaginer que les démons et les anges puissent s'accorder sur des conditions de vie des soumis mais cela lui paraissait plus probable que d'imaginer qu'un démon puisse seul vouloir bien traiter son soumis... quoique finalement la deuxième idée lui paraissait moins farfelue que la première...

Archi répondit à son soumis qu'il voudrait un soda s'il te plaît, et le soumis le lui ramena.
Ça c'était une vie avec les soumis. Sans prise de tête ni coups.
De toute façon à quoi bon frapper les gens? Il se serait fait mal lui même. Par kinésie, plus par réflexe que par intention d'impressionner le soumis, il ouvrit la canette et se servit (il avait une fâcheuse habitude de se faire mal ou de se retourner un ongle en ouvrant la canettes par des voies plus orthodoxes).

"Une loi?" demanda-t-il surpris.

Il prit une gorgée de soda, sentit le gaz remonter, étouffa élégament un embryon de rot, et réfléchit, le regard dans le vague. Il ne s'était guère intéressé aux législations en vigueur. Mais connaissant le caractère des races dominantes - et donc élues - de Meridell, il ne fallait guère s'attendre à un acte de protection des moldus soumis.

"Je ne m'y suis pas intéressé." dit-il en haussant les épaules.

"Je pense qu'on a le droit de faire absolument ce qu'on veut, il n'y a pas de restriction, il paraît. Ou alors il y a une paire de tordus hors la loi." pensa-t-il à voix haute en songeant à ce qui avait déjà défilé dans son magasin.

"J'en connais personnellement." ronchonna-t-il en pensant à sa propre famille.

Arthur fut légèrement surpris en voyant léviter la canette de soda toute seule. Il songea qu'il lui faudrait probablement un peu de temps pour s'habituer à ce don et à voir des objets inanimés voler. Il reporta bien vite son attention sur Archibald qui répondait à sa question. Visiblement, son maître n'était pas très au courant des lois en vigueur. Néanmoins, s'il le pensait plus intéressé par le prix des matières premières pour ses créations que par la législation de Meridell, il ne put s'empêcher de penser, en toute logique, que si une telle loi était passée, elle aurait créé tellement de réactions que même le plus désintéressé de ses citoyens en aurait été au courant.

Le visage d'Arthur se referma quand Archibald évoqua l'absence de limites imposés aux maîtres dans leurs relations avec leurs soumis. Ca, il n'avait pas de peine à le croire. Se versant un peu de jus de pomme, il porta le verre à ses lèvres quand, une nouvelle fois, le démon se fit sombre en songeant aux maîtres qui maltraitaient leur soumis. Il l'observa un instant avant de se décider à changer de sujet. Apparemment, celui qu'il avait choisi les mettait tous deux d'humeur morose.

"Vous jouez du piano ?" demanda-t-il de but en blanc.

Archi leva la tête d'un air mi rêveur, mi surpris. Un "muh?" interrogatif aurait franchit ses lèvres si ça ne l'aurait pas fait passer pour un parfait crétin, chose qu'une personne de son importance ne pouvait se permettre.

Le piano. Qu'est ce qu'il racontait, ce cornichon?
Où avait-il vu... Ah oui, dans le salon. Le piano. Grand sujet de discorde dans sa famille démoniaque.
Donner un aperçu ou non... Bah, autant lui expliquer un peu, en restant succin.

"Disons que... J'ai manifesté la volonté d'en jouer quand j'étais enfant... J'ai pu à peu près mais... Je n'ai pas pu continuer bien longtemps du fait de... De dissensions familiales démoniaques." résuma-t-il.

Inutile de préciser que son père hurlait que c'était un passe-temps de fillette et que sa soeur, toujours prête à faire plaisir à son père, s'était mise un après-midi à défoncer le piano corde par corde, en envoyer les touches dans les quatre coins de la pièce en hurlant pour finir par tenter d'étrangler Archi avec une des cordes.

Ça n'intéressait personne. Si?

[Si, cela m'intéresse ^^]

Arthur fut un peu déçu par la réponse d'Archibald bien qu'il ne le montra pas. Buvant une gorgée de son jus de pomme, il se demanda comment un instrument de musique pouvait conduire à des dissensions familiales, comme le démon le prétendait. Dans son souvenir, la pratique du piano ou de tout autre instrument de musique était synonyme de la maîtrise d'un art et la manifestation de certaines compétences. Il n'aurait jamais imaginé quel type de raisonnement les parents de son maître tenaient et c'est sûrement pour cette raison qu'il posa la question, intrigué par ce que lui disait Archibald.

"Je ne comprends pas très bien, avoua-t-il. Vous voulez dire que votre famille vous a empêché de jouer du piano ?... Je ne vois pas bien pourquoi."

Il posa son verre et regarda Archibald dans les yeux, attendant une réponse.

[c'était rhétorique, la vie d'Archi passionne la terre entière, c'est bien connu]

Archi fit une grimace.
Raconter sa vie comme ça à son soumis, dès le premier jour, était-ce réellement une idée fabuleuse?
Il ne le pensait pas vraiment. Aussi pensa-t-il à un résumé... Plutôt soft.
Il fixa son plafond un court instant, et prit une profonde inspiration.

"Comment t'expliquer ça... Je ne sais pas quelle a été ton expérience auprès des races dominantes de ce beau pays mais, ainsi que tu as pu le constater, je suis un démon, j'ai grandi dans une famille démoniaque... Au sens propre du terme. Donc forcément, quelque chose d'aussi raffiné que la musique c'était... A la limite du blasphème." dit-il en sondant son verre du regard, pour éviter celui d'Arthur.

Puis il releva la tête vers lui et lui dit avec un faible sourire:

"Je ne te raconte pas comme j'ai du batailler pour pouvoir faire de la couture..."

Il se sentit un peu mal à l'aise et dévia le sujet:

"Mais si tu veux pianoter - en douceur bien sûr - sens toi libre, hein."

[XD]

Arthur se douta qu'Archibald lui cachait plus de choses qu'il n'en révélait. Cependant, il n'avait pas besoin d'explications plus longues pour comprendre et imaginer ce que son maître avait dû endurer. Mais il n'avait pas pitié de lui. D'une part, parce que quoiqu'il puisse dire, Archibald était né dans la "bonne" catégorie de Meridell et d'autre part, parce que ce qu'il retenait de cette petite histoire était que le démon était courageux. Il estimait que quelqu'un qui s'affranchissait des codes pour vivre de la manière qu'il voulait et surtout qui se battait contre sa propre famille pour y parvenir était respectable. Au moins, sur ce point-là. De toute manière, il aurait eu du mal à considérer Archibald d'une autre manière étant donné que lui-même s'était battu pour obtenir sa liberté.

*Hélas reperdue aujourd'hui.* songea-t-il avec une pointe d'amertume.

Lorsque le démon lui indiqua qu'il pourrait jouer du piano, Arthur haussa les sourcils avant de répondre avec un sourire plus embarrassé qu'il ne l'aurait voulu :"Oh non, merci mais je ne sais pas jouer."

Il finit alors son verre de jus de pomme d'une traite et garda le silence.

Archi haussa un sourcil. Il ne savait pas jouer?
Alors pourquoi diable s'intéresser à ce piano qui traînait là?
Le démon avait ouvert son petit coeur plein de poésie à son soumis, le petit allait devoir faire de même.

"Alors pourquoi cet instrument t'intéresse-t-il, si tu ne sais pas en jouer?" demanda-t-il sur le ton de la conversation.

Ce soumis avait l'air d'avoir une vie... Plutôt rude avant d'être capturé.
Archi sentait que s'il devait creuser dans les souvenirs du jeune homme, mieux valait y aller prudemment.
Archi avait ses pouvoirs de démons pour éventuellement contrer une crise de mauvaise humeur due à des souvenirs douloureux, mais si on pouvait éviter d'en arriver là, c'était bien aussi.
Paix, amour, et pas de prise de bec.

Arthur fut pris de court par la question d'Archibald. Néanmoins, il se ressaisit très rapidement. Durant les quelques années qui avaient suivi sa libération, il avait appris à trouver des réponses assez évasives pour éluder des questions qui l'auraient gêné sans que pour autant elles le soient trop pour paraître honnêtes.

"Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas en jouer qu'on ne peut pas s'y intéresser." répondit-il en haussant les épaules.

"Et puis, c'est une question logique non ? Je vois un piano chez vous, je pouvais donc logiquement en conclure que vous en jouiez." ajouta-t-il.

Cependant, il jugea plus prudent de ne pas dire qu'il avait ainsi voulu faire la conversation. Il y aurait peu de chance pour qu'Archibald le croit. Après tout, Arthur n'avait pas mis bien longtemps pour comprendre le caractère extraverti de son maître. Il pouvait logiquement s'imaginer qu'Archibald avait rapidement conclu qu'Arthur n'était pas du genre à faire la conversation...

Archi sourit malgré lui. Le petit se fermait comme une huître et refusait plus ou moins de dialoguer, alors qu'Archi lui avait fait un effort. Tant pis. Ce serait peut-être pour une prochaine fois. Ou alors peut être que le soumis s'enfuirait un jour sans revenir et qu'il n'aurait rien connu de ce jeune homme à qui il avait rendu une liberté relative...

"Bravo Sherlock." répondit Archi.

"Mais pas mal de gens ne se servent des pianos que comme d'un décor, parce qu'ils ont les moyens, ou parce que le piano était là quand ils sont arrivé, ou fait partie d'un héritage." dit il en finissant son verre en haussant les épaules.

Qu'allait-il faire d'un soumis mal embouché comme ça?
Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il était plus avenant d'habitude... Ou qu'il le deviendrait.

"Tu es toujours aussi agréable avec les gens ou j'ai droit à un régime de faveur?" demanda-t-il de but en blanc.

Arthur eut la désagréable impression qu'Archibald se doutait qu'il n'était pas tout à fait franc. Pourtant, il était persuadé que sa réponse convenait. En même temps, s'il paraissait sûrement plus sûr de lui et plus persuasif qu'un jeune adolescent de 18 ans, il demeurait en face d'un démon âgé de plusieurs siècles, et sûrement passé maître dans le décryptage des signaux humains...

Il préféra ne pas entrer dans la polémique et son visage se ferma, ses lèvres ne formant plus qu'une étroite ligne. Baissant les yeux sur sa bouteille de jus de pomme, il eut une soudaine fascination pour l'étiquette où la liste des ingrédients rentrant dans la composition du produit étaient marqués.

Archibald reprit alors la parole et ce qu'il dit prit Arthur de court. Relevant soudainement la tête, il le regarda avec surprise avant de détourner les yeux en fronçant les sourcils. S'il se montrait honnête avec le démon, il serait forcé d'avouer qu'il n'était pas de nature très joviale et qu'en réalité, il n'avait eu l'occasion de se montrer agréable que de rares fois. En fait, la seule personne avec laquelle il avait jamais été souriant et agréable, c'était sa mère. Lorsqu'il s'était enfui, il était resté trop sur la réserve pour réellement se lier avec qui que ce soit. Bien entendu, il lui était tout de même arrivé de passer d'agréables moments en forte charmante compagnie. Mais jamais avec les démons.

D'un autre côté, après avoir tenté de fuir, s'amuser à dire à Archibald qu'il avait du mal à l'encadrer parce qu'il était un démon n'était pas très judicieux. Il lâcha un fort long soupir et finit par regarder à nouveau le démon pour soutenir son regard.

"J'ai... J'ai un peu de mal avec les démons." finit-il par avouer.

Ca, Archibald avait sûrement dû le deviner. Aussi décida-t-il de faire contre mauvaise fortune bon coeur et dévoila un peu de son passé, en restant assez évasif :"J'ai comme qui dirait eu de très mauvais rapports avec eux jusqu'à présent..."

Sa mâchoire se contracta et il eut l'impression que les mots qu'il allait prononcer lui arrachaient la gorge :"Mais... j'ai l'impression que vous êtes différent."

Il rebaissa les yeux, les sourcils à nouveau froncés. Effectivement, il pensait qu'Archibald était différent de Zord mais il aurait préféré garder cela pour lui, ne pas le formuler car d'une certaine manière, il baissait aussi sa garde vis-à-vis du démon. Du moins, lui donnait-il plus de crédit et il avait l'impression de trahir une partie de soi.

Archi eut du mal à réprimer un sourire à peine moqueur. Du mal avec les démons? Comment quoi donc? Il le cachait bien... Sous ses grimaces de haine et ses phrases qui peinaient à atteindre le quota pourtant sobre du "sujet-verbe-complément" qui servait de base à la grammaire, on aurait pourtant dit qu'il vouait une affection sans bornes aux semblables d'Archi (Archi lui même étant bien sûr merveilleusement hors-norme).

Il sentit un frisson lui parcourir l'échine en entendant Arthur mentionner son passé difficile avec les démons.
Les démons tordus étaient légion. Sur quelle abruti ce petit avait-il bien pu tomber?
C'était cruel de torturer les humains, eux dont l'espérance de vie était bien en dessous de celle des démons, pourquoi donc, s'ils voulaient du sport, les démons ne s'attaquaient-ils pas entre eux?!
La réponse était évidemment toute trouvée dans le caractère cruel de beaucoup d'entre eux... Il fronça les sourcils...

... Mais se détendit en entendant les dernières paroles d'Arthur.

"Si tu parles des démons cruels sadiques et passablement tordus, je suis heureux que tu te sois rendu compte par toi même que cette catégorie n'est pas la mienne." dit il avec un sourire doux.

"Ne fais pas comme si tu venais d'avaler un baquet d'anguilles vivantes, je suis content, c'est le premier mot réellement agréable que tu m'adresses. Malgré toi, on dirait, mais c'est un début prometteur!"

Arthur conserva les yeux baisser encore un moment puis les releva doucement au fur et à mesure qu'Archibald parlait. Le doux sourire qu'il lui adressa semblait sincère mais mit mal à l'aise l'humain. Pour le coup, il avait réellement l'impression d'être un enfant qui reconnaissait ses torts. Ses joues se colorèrent l'espace d'un instant face à la dernière remarque amusée du démon. Archibald avait raison et cela embêtait profondément Arthur de devoir le reconnaître. Il avait du mal à reconnaître ses erreurs et se retrouvait dans une situation inconfortable.

"Moui..." grommela-t-il.

Jouant avec l'étiquette de sa bouteille à présent vide, il chercha un sujet de conversation qui lui permettrait de penser à autre chose. Mais la seule chose qu'il trouva à dire fut :"Est-ce que je peux prendre une douche ?"

Il avait en effet pas mal transpiré et traîné dans la poussière en transportant les cartons. De plus, une bonne douche froide lui permettrait sans nul doute de se ressaisir.

Archi se força à cesser de sourire. Ou du moins cesser d'agrandir son sourire à chaque manifestation d'embarras du soumis, ou alors son sourire finirait pas lui faire le tour de la tête, le haut de sa tête tomberait, et ça ne serait un spectacle agréable pour personne.

"Bien sûr. Viens par ici." dit-il en se levant.

Il parcourut une partie du couloir, et lui fit signe d'entrer dans la salle de bain.

"Prends tes aises, je vais te chercher de quoi te faire beau." dit il en tournant les talons.

Ce faisant, il partit farfouiller dans les accessoires qu'il avait acheté pour son soumis. Tout était dans la chambre préparée pour Arthur, il faudrait qu'il pense à lui dire. Au pire, le soumis finirait par ouvrir l'armoire et voir ce qu'il y avait à l'intérieur non? Il prit une grande serviette de bain bleue (assortie aux yeux de son soumis! Quel visionnaire cet Archi) et une savonnette qui sentait bon le jasmin et... ou était cette fichue brosse?!

Arthur se leva à son tour et suivit Archibald, silencieux et perdu dans ses pensées. Il entra dans la salle de bains et arqua un sourcil à la réflexion du démon. Il ne réagit pourtant pas et se contenta de hausser les épaules. Intrigué et pendant que son maître était parti, il jeta un coup d'oeil aux nombreux produits de beauté qui trônaient près de l'évier. Il y avait de quoi satisfaire la plus coquette des jeunes filles, songea Arthur, mi-dépité mi-amusé.

Il prit un flacon et l'ouvrit dans un petit 'pop' sonore. Une bulle de savon en sortit et explosa à hauteur de ses yeux. Le produit le piqua et les yeux en larmes, il se passa un coup d'eau froide sur le visage en pestant. Rebouchant le produit avec soin, il se rendit compte que maintenant, la salle de bains sentait bon la cerise. Il soupira et commença à déboutonner sa chemise après avoir ouvert le robinet d'eau chaude pour faire couler l'eau.

"Vous cherchez quoi ?" fit-il d'une voix forte pour couvrir le bruit de l'eau.

Archi heurta une des étagères en fouillant, et la brosse en bois lui tomba sur la tête depuis l'étage supérieur avec un "poc" sonore et douloureux. Saleté! Il fallait qu'elle soit là!

Il posa la brosse et la savonnette sur la serviette, et alla à la salle de bain en la tenant d'une main, se massant l'occiput de l'autre. Heureusement que sa tête était pleine de neurones plus brillants les uns que les autres, et que la perte de l'un ou deux d'entre eux par une collision malheureuse ne représentait qu'une perte légère bien que dramatique.

"Je cherchais ça." grogna-t-il en tendant le tout à Arthur.

Tout à sa colère de s'être prit une brosse en pleine quiche, il ne s'attarda pas sur l'aspect dénudé d'Arthur, mais lui dit tout de même avec un sourire à nouveau chaleureux:

"Je ne pense pas que mes produits un peu... Fruités te conviennent, donc j'ai pris plus sobre." dit-il en tentant de cacher ses joues rosies par les courbes d'Arthur sur lesquelles il s'était finalement attardé plus que de raison.

"Be... Besoin d'autre chose?" balbutia-t-il.

Reprends toi Archi, tu vas encore passer pour un ahuri, se martela-t-il.

Arthur se demanda ce qui avait bien pu arriver à Archibald mais ne posa pas la question et prit plutôt ce qu'il lui tendait pour le débarrasser. Effectivement, il n'avait aucune envie d'utiliser tous les shampooings multicolores de son maître... Il était persuadé qu'il en ferait une allergie ou qu'il ne se reconnaîtrait plus en sortant de la douche.

"Merci." dit-il en prenant les affaires qu'il posa où il put.

Il ôta sa chemise sans prêter attention à Archibald et fut surpris de le trouver encore là quand ce fut fait. Le dévisageant sans comprendre, il ne se douta pas un seul instant du trouble qui habitait son maître et répondit d'un air surpris :"Non, c'est bon, j'ai tout ce qu'il me faut."

Il attrapa le chambranle de la porte et eut un sourire poli pour Archibald avant de la fermer en un geste pas brutal mais dynamique. Déboutonnant son pantalon, il se déshabilla complètement et passa directement sous la douche en emportant la savonnette et la brosse avec lui.

Archibald laissa enfin ses joue prendre l'écarlate qu'elles voulaient, et repartit dans son salon.
Il considéra le piano un court instant. Ça avait intéressé Arthur visiblement.
Peut-être s'y remettrait-il?
Il se laissa tomber dans un des fauteuils de velours rouge.

Quand il considéra un quart de seconde les raisons de cette soudaine inclination pour cet instrument délaissé, il rougit à nouveau puis éclata de rire.

Un rire nerveux, de celui qui ne s'assume pas, mais un rire quand même.
Décidément cet achat allait être décisif dans la vie d'Archi. Mais il ne le regrettait pas. Pas encore, du moins.