C’est pas un quatre étoiles [PV Mitsuomi Takayanagi ]

-Fais ch**r !

Ce furent les premiers mots qui franchirent les lèvres de l’humaine lorsqu’elle ouvrit les yeux. Et non, elle n’avait pas fait un mauvais rêve, et cette ordure de Reniek l’avait bien vendue.

-Pourriture !

Elle pestait entre ses dents, encore mal réveillée, ronchonnant sur ce sale petit démon qui avait encore la morve au nez devant son père quelques jours plus tôt. Son père… Plutôt qu’une vague de tristesse, la colère emporta tout sur son passage. Comment avait-il osé mourir sans avoir résolu le problème de son avenir, sans même avoir pris la peine de rédiger un testament ? Quoi que sur ce point, elle avait toujours un vague espoir, de voir un notaire arriver avec le précieux papier qui la délivrerait de ce bouge.

-Il est où le p’tit déjeuner ?

Voix de mauvais poil, comme sa propriétaire. Elle n’avait même pas de couette en plumes, ni de coussin confortable, sans parler des commodités qui étaient quasi inexistantes…

-Hoho le taulier là ? Tu t’bouges ? J’ai connu des bordels mieux tenus que ton marché aux carpettes !

Car c’était bien cela qu’elle voyait autour d’elle. Des humains, prostrés, ou simplement silencieux, résignés, d’autres pleurant, mais aucun n’était digne d’intérêt, les têtes et les yeux étaient bas. Une sous-espèce, comme cette foutue Jade qui avait sans doute conseillé son frère pour la vendre, cette vieille sorcière ne perdait rien pour attendre. Tous prêts à ramper devant le premier démon ou ange venu, même de la plus indigne lignée !
Elle s’était légèrement redressée, pas de cris, pas de pleurs, pas non plus de grosse crise de rage contre les barreaux de la cage. Non, on viendrait la sortir de là et on s’excuserait, ensuite elle attaquerait le gérant en justice pour complicité d’enlèvement, pour l’instant elle se contentait de rester digne, digne d’elle-même, avec son caractère d’enfant gâtée et capricieuse.

-J’ai faim !!!! Magnes toi du chnoque !

Certains des humains présents la regardaient d’un drôle d’air, l’un d’eux, dans une cage toute proche, la fixait depuis un moment, l’air apeuré, elle lui adressa un geste obscène qui lui fit détourner le regard.
Enfin, un bruit se fit entendre dans la boutique, sans doute un vendeur qui allait lui amener de quoi manger, ou un gardien venu la délivrer, ou encore le notaire familial venu hurler à l’infamie de la voir ainsi rabaissée. Pas une seconde elle ne pensa à son ancien fiancé, un nigaud qu’elle avait charmé et qui aurait dû lui assurer un rang social jusqu’à sa mort, mais qui s’était laissé mener par ses parents comme un gentil petit mouton…

-Il était temps, j’ai la dalle moi, et j’veux prendre un bain, et des vêtements propres ce serait pas un luxe…

[HRP : Mitsu, je vais te massacrer, comment oses-tu t'en prendre à ma boutique ainsi.]

Jack maugréait. Jamais encore ses finances ne s'étaient retrouvées aussi proche du 0. Comment se débile de démon avait-il réussit à lui extorquer autant de fond. Certes, l'humaine qu'il lui avait apportée était réellement superbe et il pourrait fermer boutique après sa vente tant il serait riche, mais bon, ce n'était pas une raison.

*Un mois, j'ai du engloutir un mois de bénéfices pour l'acheter. Il faut dire que, habillée comme une démone de la noblesse et avec une peau chocolat et un corps comme elle a, elle n'est que ce qu'il y a de plus désirable. Mais c'est quand même de l'extorsion de fond. Quand un démon se débarrasse d'un humain ou d'une humaine, c'est qu'il n'en a plus utilité. Alors pourquoi s'entêtent-ils à en avoir des sommes astronomiques. De la part d'un chasseur, c'est acceptable, eux, ils en vivent.*

Maugréant, Jack l'avait placée dans une de ses cages les plus spacieuses. Alors qu'il fermait la porte de la prison d'acier, une idée lui traversa l'esprit.

*Tiens tiens, pour rentrer dans mes frais, ne ferais-je pas un peu de publicité dans la gazette locale. Il est vrai que j'ai peu utilisé ce mode de vente jusqu'à maintenant. Cela vaudrait le coup d'essayer.*

C'est souriant qu'il ferma sa boutique pour se rendre au quotidien de Méridell. Sur place, il se mit d'accord avec le rédacteur en chef pour un prix et ensemble ils rédigèrent l'article.
Heureux et fier de son idée, Jack rentra chez lui, se demandant comment il n'y avait pensé plus tôt.

Le lendemain matin, comme il travaillait la matinée, il se rendit à sa boutique chérie, s'attendant à voir les clients faire la queue après lecture du journal (qu'il ne lisait pas, à quoi bon, Garakan le faisait pour lui). Il entra par l'arrière-boutique et, avant d'ouvrir, prépara le repas de ses petits pensionnaires. Il fallait bien les nourrir tous ces petits humains. Les croquettes apprêtées, il entra dans la boutique proprement dite, allumant les lampes car le soleil ne donnait pas trop dans le local le matin. Mais, à sa grande désurprise, personne n'attendait impatiemment devant sa porte.

*Aurais-je fait une erreur quelque part. A moins qu'il ne soit encore un peu tôt. Comme je ne prends pas le journal, je ne sais à quelle heure il est distribué. Bon, ouvrons et nourrissons nos pensionnaires, je verrais bien comment cela se passera dans la matinée.*

Jack ouvrit la porte de la boutique, plaçant l'écriteau sur ouvert et se dirigea vers l'arrière du magasin pour aller chercher le déjeuner. Ceux qui étaient là depuis un petit temps, et qui s'étaient habitués, saluèrent gentiment Jack, sachant que le déjeuner arrivait.
C'est donc tranquillement qu'il prit les sacs de croquettes, entendant en même temps une belle bordée de jurons.

*Une mécontente dirait-on. Certainement une nouvelle. Et quel langage, pire que celui d'un charretier. Vraiment, on ne les éduque plus ces humains maintenant.*

Sans s'en faire plus, il souleva le premier sac tandis que la sonnette de la porte tinta.

*Bon, ben plus tard donc le déjeuner*

Il reposa le sac et se dirigea, sans se presser toutefois pour faire bonne mesure, vers la boutique. Il allait dire sa traditionnelle phrase quand il perçut les propos du client. Pendant un instant relativement long, le visage de Jack se figea de colère et une belle veine fit son apparition sur son front.

*Comment ce…cette…ce rustre ose-t-il ainsi dénigrer ma boutique chérie si bien entretenue. Il n'y a pas commerce plus propre que le mien. Le client est roi, mais je ne supporte pareilles insultes…
Bon, Jack, calme-toi, calme-toi. Reste impassible et sert ce client. Grossit gentiment les prix pour le lui faire payer comme on dit.*

Serrant un rien les dents, le gérant s'approcha et, d'un ton froid qui le surprit, s'adressa à Mitsuomi.

"Bonjour cher client, puis-je vous être utile?"

Un démon se trouvait face à sa cage. Si la jeune femme n’avait pas été captive, ni en rogne, ni profondément égocentrique, elle l’aurait sans doute trouvé mignon mais l’heure n’était pas aux considérations plastiques. Il lui adressait la parole, et lui parlait de la qualité des lieux, et autres choses dont, il fallait bien l’avouer, Aiko n’avait absolument rien à faire.

-Moi c’est Aiko…Bon, Mitsumachin soit t’es là pour me filer à manger et assurer le service, soit tu me fais sortir de c’machin, si c’est ni l’un ni l’autre…

L’humaine lui balança un sourire charmeur et totalement faux avant d’ajouter d’un ton glacial et sec.

-Tu dégages de mon espace vital, morveux !

D’accord ce n’était pas le meilleur moyen de se faire acheter, ou sortir de là, mais elle n’avait pas besoin de lui. Le notaire arriverait bientôt pour réparer l’horrible erreur et elle serait libre, sinon, le vendeur finirait peut-être par en avoir marre, car elle avait prévu de lui mener la vie dure, et à ce moment, il la ficherait dehors. Se faire acheter, quelle idée saugrenue, une fille de sa classe ne se faisait pas acheter, elle séduisait et on rampait devant elle rien d’autre.
Toute à ses pensées, elle n’avait pas fait attention au fait qu’un vendeur approchait. En entendant sa voix, elle se tortilla un peu pour le voir. C’était bien lui, le grand malade qui avait payé une petite fortune pour elle, pas qu’elle ne les coute pas, mais quand on savait qu’elle allait sortir sans qu’il touche un centime, et qu’en plus elle l’attaquerait pour mauvais traitements sur sa personne (même si, elle le savait, elle avait été plutôt bien traitée), et bien ce type là, il allait pouvoir vendre son chapeau pour s’offrir un quignon de pain.

A sa question au démon qui était visiblement un client, et donc, comme elle l’avait deviné, ne lui servirait à rien, ce fut l’humaine qui répondit la première, rapide et désagréable, naturelle quoi.

-Ouais trouves-lui un cerveau pour qu’il trouve la sortie, ensuite reviens ici et amène moi un repas digne de ce nom et une putain de baignoire d’eau chaude, parce que chaque minute passée sans tout le confort que je mérite va te couter très cher quand on viendra me sortir d’ici, pauv’ naze.

Un instant, son attention fut attirée par une odeur, non loin d’elle, un humain fumait dans sa cage, elle n’avait même pas pu garder une cigarette sur elle. Elle l’appela par un « psssst hé toi » avant de négocier qu’il fasse rouler le petit tube à cancer et un briquet. Bien entendu elle avait dû négocier sec, en gros, faire ses plus beaux yeux de chien battu et remonter légèrement sa jupe sur ses cuisses.
Une fois le butin attrapé, elle alluma la cigarette, fit rouler briquet en sens inverse, et se calla le dos au fond de la cage, aspirant la fumée avec délectation.

-Ho bidule là, ouais toi, le gars que mon frère a arnaqué, si j’dois rester encore une demi journée ici, j’espère que tu m’apporteras des clopes, j’ai pas eu le temps d’embarquer les miennes, et j’ai un sale caractère quand j’peux pas fumer.

Petit sourire moqueur, petite peste à l’action, rien n’était épargné, la jeune femme étalait sa palette de visages, de sourires, et de manières de se montrer désagréable, depuis qu’elle était éveillée.

Quelle grossièreté, Jack en était outré. Lui qui pensait avoir là une marchandise de qualité se retrouvait avec un sous-produit, tout juste bon comme chair à ange. Certes, il devait bien l'admettre, physiquement il avait rarement eut l'occasion de voir pareille beauté. Mais question beauté intérieure, nada.

*A noter qu'elle s'adresse au client avec autant de grâce qu'à moi-même. Si elle espère être mieux traitée en étant aussi arrogante et désagréable, c'est qu'elle me connaît très mal, mais vraiment très mal.
Et puis, à moins de tomber sur un pervers sadique, avec un langage si…délicat, elle ne trouvera personne pour l'acheter. D'ailleurs, le démon ici présent va certainement aller voir autre chose.*

Alors qu'elle parlait, un humain se mit à fumer et par une belle phase séductive, elle parvint à obtenir ce vice destructeur de l'organisme. Dire que lui n'aimait l'odeur du tabac, il était verni.

"Sache que tu n'es dans un hôtel. Et soit heureuse que je ne dépouille les marchandises de leurs rares effets personnels. Du moins, de ceux qu'ils ont à leur entrée dans ma pension quatre étoiles"

Il était narquois, mais dit sur son ton monocorde, ça laissait une impression plus que particulière. Alors qu'il souriait, intérieurement, de sa petite répartie, le client le déstabilisa un rien. Il voulait l'acheter et son prix serait le sien. Là, Jack n'en revenait : il existait donc des fous, et riches en plus. Car il ne la laisserait sortir pour rien. Déjà, il se devait de rentrer dans ses frais, mais en plus il se devait une petite compensation…morale, pour ce qu'elle lui avait fait subir.

"Pour un produit comme elle, au teint et courbes aussi exceptionnel que rare, je pense que trois millions est une somme convenable. Tout deux nous y trouverons notre compte. Et, si vous le désirez, vous pourrez regarder sur les étagères derrière le comptoir pour lui trouver quelques accessoires."

Elle l'avait insulté, lui et son commerce, il allait se venger. Il n'était pourtant pas quelqu'un de sadique, mais parfois, ça lui prenait de se comporter en bon démon.
D'ailleurs, son sourire avait un rien changer, un peu narquois envers Aiko et avenant envers le client dont il attendait la réponse.

Aiko en bonne petite princesse hautaine, s’était finalement désintéressée des deux hommes, qui, de toute façon discutaient, marchandaient, et autres bêtises dont elle n’avait strictement rien à faire, mais… la réponse du vendeur la fit revenir aux deux personnes présentes.
Elle eut un regard des plus hautains vers celui-ci.

-Bla bla bla, et si tu le nettoyais ton bouge au lieu de bavasser comme une vieille maquerelle, t’aurais sans doute plus de client et d’une autre classe que les clodos qui peuvent entrer ici.

Bien sur le ton du démon lui avait noué l’estomac, c’était une sensation étrange qu’elle n’aurait su définir, comme une appréhension quasi douloureuse…
Puis de nouveau, elle ignora les deux hommes, histoire de ne pas trop leur montrer trop d’intérêt, qu’il ne croie pas qu’il soit si important que ça, et puis quoi encore ?
Elle tira une longue bouffée de cigarette, le dos calé contre une des parois de la cage, sa main libre jouait avec une mèche de ses cheveux.

L’air de rien, la peste écoutait tout de même d’une oreille, lorsqu’elle entendit le prix que le vendeur demandait, elle manqua de s’étouffer avec la fumée de cigarette et toussa à plusieurs reprises tout en essayant de garder une contenance, ce qui n’était vraiment pas évident. En prime se faire traiter de produit, non, vraiment, elle n’aimait pas ces sales types, et les deux le lui paieraient, ça elle en était certaine.

Elle avait à peine pu reprendre une figure un peu plus calme, et digne, que Jack parlait d’accessoires, et son sourire ne lui disait rien qui vaille. Elle eut de nouveau cette sensation étrange mais lutta pour ne pas le laisser paraitre, de toute manière cet imbécile s’en mordrait les doigts très bientôt.

Jack jubilait réellement. Cette petite impertinente lui rapportait assez bien malgré ce qu'il l'avait achetée. et comme elle n'avait encore consommé aucun repas, c'était tout bénef pour lui. Certes, la fumée de cigarette que son client lui avait gentimment crachée à la figure était déplaisante, mais comme l'adage le dis "le client est roi, surtout s'il paye vite et bien". Enfin, adage adapté à la Koupl. Il s'inclina devant Mitsuomi, lançant par la même occasion un sourire narquois et mesquin à Aiko

*Ainsi, tu n'aimais ma boutique. Au vu de ce démon, tu le regretteras bien vite ce bouge et sa maquerelle.*

"Il y a quelques formalités à régler, mais je vais faire en sorte que vous n'éayez plus qu'à indiquer nom, prénom, adresse et à signer."

*En liquide en plus, fabuleux. J'aime sentir l'argent glisser entre mes doigts*

Jack s'en retourna rapidement vers son comptoir se saisir des papiers qu'il compléta avece uen grande dextérité pour les ramener à Mitsuomi.

"Voilà cher client, sur la première page vos nom, prénom et adresse et une petite signature sur toutes les autres. Désirez-vous que je la fasse sortir ou bien désirez-vous avoir le privilège de la soumettre vous-même?"

Le gérant des lieux était conciliant, très conciliant même aujourd'hui. La petite peste humaine enfermée devant lui avait réveillé un démon somnolant. Bien enfouis, certes, mais toujours présent.
Il attendait que son client réponde pour ouvrir. Ca lui ferait tellement de bien que de la soumettre mentalement lui-même pour la faire sortir de la cage. Mais bon, c'était un choix qui appartenait à Mitusomi et à lui seul.